Entre le 6 Août 2008 et ce début d’année 2016, sept ans ont passé. Les promesses de la junte qui renversa le président Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi se sont doucement dissipées… sans grands résultats. Les myriades de pauvres à qui les militaires du six Août avaient promis de meilleures conditions de vie attendent encore le bout du tunnel. Finalement, la révolution tant claironnée et attendue n’a pas eu lieu. Certes, des choses ont été accomplies, en quelques domaines, comme les infrastructures et l’énergie. Mais à quel prix et dans quelles conditions ? Si tant est qu’en principe, l’action de l’Etat devrait avoir le principal objectif d’améliorer les conditions de vie des citoyens – c’est là même le fondement du contrat social républicain – il y a fort à parier qu’entre 2008 et aujourd’hui, rien de fondamentalement intéressant n’a pu être réalisé. Les prix ont continué à augmenter. Loin de s’améliorer, le pouvoir d’achat s’est dégradé, pour la majeure partie de la population. La pauvreté et ses corollaires : désillusion, délinquance, chômage, surtout des jeunes ; continuent à se propager partout. Economiquement, diverses sociétés nationales ordinairement à l’abri, comme la SNIM, se retrouvent en grande galère. Socialement, les tensions communautaires tournent au paroxysme. Les prestations des secteurs sociaux, notamment de l’éducation et de la santé, inquiètent tout le monde. Question politique, les acteurs qui s’y consacrent ne savent plus quoi faire. Le cercle vicieux où ils tournent, depuis le coup d’Etat du six Août, démontre, si besoin était, que la complication des choses place la majorité et les oppositions dans l’incapacité de seulement déterminer comment et par où amorcer ne serait-ce qu’une ébauche de concertations nationales, afin de remettre le pays sur la route. La démagogie semble l’emporter sur la réalité. Par exemple, pendant qu’à tout va, le système et ses segments vantent les mérites d’un « vrai changement », dans la gestion des affaires publiques, et l’efficience d’une politique sécuritaire inédite, les vieilles pratiques administratives, pour régenter et fidéliser les troupes, prévalent encore et les quotidiennes lacunes sécuritaires exposent, journellement, les citoyens aux tueries les plus cruelles. Les sévices contre les biens publics continuent à s’accumuler. Tout comme les récurrentes nominations abusives, lors des fameux conseils des ministres, sans autre véritable raison que la fidélité au parti du pouvoir et à son chef. Tout comme les croustillants salaires des pompeusement nommés présidents de conseils d’administration d’établissements publics : certains, comme le président de l’Union Pour la République (UPR), en perçoivent des millions. Les juteux marchés, distribués, à tour de bras, aux proches et amis des personnalités civiles et militaires influentes du système, sont autant de preuves que les hommes partent, les méthodes longtemps ancrées restent. Les slogans, les déclarations d’intention et les vœux pieux ne suffisent pas, surtout quand ils sont en contradiction, flagrante, avec les agissements quotidiens. Nouakchott, où vit 50% des Mauritaniens se réveille, chaque jour, sur une histoire de meurtre, au pire ; de cambriolage ou de viol, au mieux. Depuis plusieurs années.
Les équipements militaires du cinquante-cinquième anniversaire ? Oui, c’était un bon message, surtout pour des gens comme moi. OK, c’est vrai. Mais, la cinquantaine d’assassinats plus odieux les uns que les autres dont celui de la commerçante Khadouje mint Abdel Mejid, les meurtres de Penda Sogué, de la petite Aïda Gaye et bien d’autres ; les petites distilleries clandestines de Soum-Soum à Cité-plage et Sebkha, si bien connues de la police ; les barons, tout aussi connus, de la drogue et de la prostitution narguant les forces de sécurité : autant de messages à ceux qui, d’un mot à l’autre, vous matraquent d’éloges sur ce qui a été réalisé, de 2008 à nos jours. La récente arrestation, à Bir Moghreïn, d’une dangereuse bande de trafiquants de toutes nationalités ne serait, disent les spécialistes, que la partie apparente d’un immense iceberg, intouchable cartel parrainé par de tout aussi intouchables, et puissantes, personnalités. La grâce présidentielle, il y a deux ans de cela, en faveur de gens impliqués dans le trafic de drogue, les tractations et pressions que mènent, depuis quelques jours, le ministre de la Justice, en faveur d’un dossier analogue, à Nouadhibou, prouvent les limites concrètes d’une approche sécuritaire si souvent vantée, avec emphase et beaucoup d’exagération. Entre la nomination/parachutage d’une nouvelle secrétaire générale pour l’UTM, les problèmes qui minent nos deux plus importants établissements économiques, la SNIM et la BCM, et la décision de l’UPR de construire, aux frais de ses membres (en fait, aux frais de « la princesse »), des sièges régionaux, les calamités se superposent, les unes sur les autres, prenant en otage un pays suffisamment meurtri par cinq décennies et demi de tout : dix-huit ans d’Etat, dix-neuf mois d’espoir, quinze mois de rêve et trente-quatre ans de bottes et de képi. N’en jetez plus : après la coupe qui n’en peut plus de déborder, c’est la cour qui est pleine !
Sneiba El Kory