Maître Brahim ould Daddah ! C’est pour moi une voix caverneuse, dominant le prétoire, égrenant du haut d’une stature imposante, une plaidoirie dans laquelle faits et droit, s’enlacent et s’entrelacent, s’imbriquent et s’impliquent, s’articulent et se soutiennent dans une logique implacable, étayée par une argumentation, où chaque mot est choisi, pesé, soupesé, mesuré, ajusté ; désarçonnant pour l’adversaire, convaincant pour le juge. Telle est l’impression que je garde de cet avocat de haute facture depuis ce jour où, encore à mes premiers balbutiements dans la profession, il m’a été donné de l’écouter, au détour d’une de ses plaidoiries incendiaires. Cette impression n’a pas pris une ride, malgré le temps écoulé ; plus d’un quart de siècle! Aujourd’hui, maître Brahim ould Daddah se découvre comme un grand commis de l’Etat, prenant à bras-le-corps, avec l’engagement propre aux avocats de grande étoffe, la réforme d’un code de commerce, poussiéreux, obsolète, rétrograde, anachronique, poussif ; relevant de la sorte le défi de la contemporanéité, dans un environnement hostile, dont les valeurs se situent en dehors du temps, un environnement que la modernité précipite dans ses plus profonds retranchements, et que la mondialisation met à rude épreuve. Cette réforme titanesque a su concilier la vie trépidante des entreprises et la quiétude que recherche tout investisseur, grâce à l’élaboration d’une norme de droit qui conjugue rapidité et fluidité des transactions, sécurité juridique aux cocontractants, traçabilité des opérations commerciales. Malgré son ampleur, la réforme respire la vie ; son style de rédaction est aéré, oxygéné ; les textes sont parlants, les concepts remis à neuf ; la touche de modernité est présente, par une intégration appropriée du numérique dans un monde où le commerce électronique se taille désormais, une place de choix. Ce serait un autre pas de géant vers la bonne gouvernance, à l’image de celui réalisé à travers la réforme du code de commerce, si avec le même engagement et la même expertise, une révision du code du travail était envisagée, de nature à concourir à l’exigence de rentabilité de l’investissement qui, on le sait, peut être remise en cause, à tout moment par tout licenciement, si anodin soit-il. Il suffit à cet égard, de se livrer au niveau des juridictions de travail, à un relevé statistique des prononcés des décisions judiciaires, pour apprécier l’ampleur des dégâts que peut occasionner un simple licenciement de droit commun, alors que la vie de toute entreprise, est ponctuée de congédiements et d’embauches, sans l’alternance desquels, l’employabilité est un vain mot, et toute politique de ressources humaines, un vœu pieux. Les employeurs sont victimes d’un véritable acharnement judicaire ; il est déplorable et fortement préoccupant que dans bien des cas, un licenciement individuel, opéré en conformité avec la loi, puisse rapporter à l’employé congédié, plusieurs dizaines de milliers d’euros, accordés avec désinvolture, de manière cavalière, par une décision judiciaire dont l’auteur est loin d’imaginer les conséquences sur l’investissement et l’emploi. Bien des entreprises ont mis la clé sous le paillasson, harcelées par des inspecteurs de travail, aptes à ficeler systématiquement des dossiers , au détriment et au préjudice de l’employeur, sous l’impulsion de syndicats d’obédience politique, encore nostalgiques de la lutte de classes , dans un monde où la sécurité de l’emploi ne s’acquiert qu’au prix d’investissements innovants, avides de flexibilité, et prompts à s’évaporer pour chercher sous des cieux plus cléments, ce qu’ils ne trouvent pas dans le pays d’accueil. Il faut souhaiter que l’actuel Président du Tribunal du Travail, qui a fait preuve d’une grande rigueur morale et procédurale, comme Président du Tribunal de Commerce de Nouakchott, puisse tenir tête aux syndicats , faire fi des rapports tendancieux de certains inspecteurs du travail, élaborés à la carte, en dehors de tout cadre légal, et pouvoir ainsi rendre des décisions sereines, imbues de droit et d’équité, comme il l’a fait avec les règles de l’art et la célérité requise, durant sa brillante carrière de magistrat à la tête de la juridiction commerciale ; souhaiter également que la réforme du code du travail, puisse voir le jour avec le même succès, la même pertinence et le même à-propos que celle du droit commercial, les deux législations étant perçues comme des variables institutionnelles, intégrées à ce titre, sous forme de données structurantes dans toute analyse de l’environnement concurrentiel des entreprises.
En toute confraternité.
Me Taleb Khyar Ould Mohamed Maouloud