Le collectif Mooyto Koota, (rapatriés volontaires) des déportations de 1989 a dressé, au cours d’une assemblée générale, tenue le jeudi 21 janvier 2016, le bilan de ses six mois d‘existence. Près de deux cents personnes ont répondu à l’appel au siège de COVIRE, mitoyen de l’hôtel IKRAM, non loin du cinéma Saada (Sebkha).
Dans un mot introductif, la présidente du collectif Mooto Koota, Aminata Alassane Sarr a remercié l’ensemble des participants pour avoir répondu massivement à la convocation du bureau exécutif, insistant sur la nécessité et l’urgence de tous de participer aux assemblées générales, de resserrer les rangs, de porter haut le message du collectif auprès de toutes les victimes mais aussi d’autres citoyens du pays. « Ce combat est le nôtre, nous devons le porter haut, nous devons le gagner aussi, parce que nous ne réclamons que nos droits, comme tous nos concitoyens », déclare la présidente.
Prenant la parole à son tour, Sidi Abou, secrétaire général du collectif des victimes de la répression (COVIRE) a lu aux participants le rapport d’activités du bureau exécutif mis en place, il y a six mois. Le rapport détaille le processus de création du collectif Mooyto Koota, en juin dernier, le travail abattu par le bureau pour rendre l’organisation visible (AG, bureau, élaboration statuts et règlement intérieur, campagne de sensibilisation, d’identification et d ‘adhésion …). Le Sg de COVIRE a fortement insisté sur l’importance des cartes d’identification et ensuite de membre pour les rapatriés volontaires parce qu’ils vivent aujourd’hui sous la menace d’une 2e déportation, dépourvus qu’ils sont de papiers d’état civil mauritanien. Abou Sidibé a invité les nombreux citoyens connus sous le vocable de « Mooyto Koota », ayant été oubliés des organisations de défenses' des victimes de la répression, des structures de l’Etat de saisir l’occasion pour s’organiser, afin de défendre leur droit, pour que le tort qu’ils ont subi soit enfin réparé.
Recouvrer sa citoyenneté
Créé en juin dernier, le collectif Mooyto Koota, a pour objectif de sortir de l’oubli des centaines, peut-être des milliers, de citoyens mauritaniens ayant rejoint volontairement leur pays, après quelques années de calvaire, vécues au Sénégal et au Mali. Considérés par COVIRE comme des oubliés du règlement du passif humanitaires, ces hommes et femmes ont décidé de se rassembler dans une structure unique afin de pouvoir défendre leurs intérêts matériels et moraux. Durant six mois, le bureau que le collectif a mis sur pied pour piloter ses activités s’est battu, d’abord pour exister, ensuite pour se doter des instruments permettant aux membres de sortir de l’anonymat.
Ces rapatriés volontaires n’ont bénéficié d’aune attention des pouvoirs publics et des organisations de défense des rapatriés, des organisations de défense des droits de l’homme, du HCR. Oubliés du recensement organisé par l’ANAIR, en 2010, au profit des fonctionnaires et agents de l’Etat victimes des évènements de 1989 et d ‘autres opérations, ces déportés rentrés volontairement au pays tentent donc de s’organiser, de porter leurs revendications auprès des autorités. Ainsi, avec l’aide du collectif des victimes militaires et civiles de la répression (COVIRE), ces rapatriés volontaires ont réussi à mettre en place un bureau provisoire présidé par Aminata Alassane Sarr, au cours d’une assemblée générale. Ce bureau avait pour mandat de mener une campagne de sensibilisation auprès des rapatriés, des Imams, des organisations de défense des droits de l’homme, et des autorités en charge du passif humanitaire, mais aussi des partenaires au développement.
La décision de Mooyto Koota de s’organiser obéit à deux impératifs. Exister en tant qu’entité distincte des autres mais aussi éviter à ses membres d’être confondus à des étrangers ne disposant pas de la carte de séjour que l’Etat a instituée depuis quelques années. En effet, ces rapatriés volontaires s’exposaient aux tracasseries policières et donc à une 2e déportation. Pour rappel, les citoyens ayant accepté de rentrer volontairement au pays, sous l’ère d’Ould Taya par lequel leur malheur est arrivé n’ont fait l’objet d’aucun recensement alors qu’ils ont tout perdu au moment de leur déportation. Ceux qui circulent à Nouakchott et à l’intérieur du pays sont presque des « apatrides». Il fallait donc parer rapidement aux risques auxquels ils étaient exposés. C’est pourquoi COVIRE a convaincu les autorités de permettre à l’organisation de se doter des cartes. Aujourd’hui, plus de 800 personnes disposent de ce «sésame ». Il ne s’agit pas de carte d’identité mais d’une carte d’identification, permettant de circuler librement en Mauritanie, non à l’étranger, précise Abou Sidibé, secrétaire général de COVIRE. Des fiches d’identification sont aussi disponibles au siège de COVIRE. Pour réaliser ces documents, le collectif a puisé sur les recettes tirées de la vente des cartes qui se sont élevées à près de sept cents mille, note le rapport. Des cotisations des membres du collectif sont instituées pour le compte de la nouvelle année 2016. Chaque membre devra s’acquitter de mille Um par mois.
La 2e étape consiste, pour ces citoyens ou ces «oubliés» à obtenir de l’État, une reconnaissance officielle, leur permettant de recouvrer entièrement leur citoyenneté, c'est-à-dire de se faire recenser et disposer donc de papiers d’état civil, de prétendre, comme toutes les victimes des années de braise (86 -89) à des réparations, de (re)trouver du travail, de pouvoir envoyer leurs enfants à l’école, de ne plus vivre aux aguets, à la hantise de la police et d’une autre déportation, de mener ses activités légalement sur toutes l’étendue du pays ou résident des rapatriés volontaires.
Mooto Kooto compte porter le message à l’intérieur du pays où des points focaux seront installés. Ultime étape pout rassembler au sein d’une seule organisation l’ensemble des réfugiés rentrés volontairement en Mauritanie.
Faites un petit tour à Nouakchott : allez de la plage des pêcheurs au Port de l’Amitié ou de cette infrastructure vers le carrefour dit Bamako ; partez d’Atak El Kheir 2 en direction de l’Est ; promenez-vous en divers quartiers de la capitale… Rassurez-vous, il ne s’agit pas de villégiature !