Au dernier Conseil des ministres, le ministère de l’Education nationale s’est doté d’un nouveau secrétaire général, en remplacement du précédent, à la retraite depuis plusieurs mois. La nouvelle promue vient du ministère du Tourisme. A priori, rien à voir avec le secteur dont elle tiendra désormais les commandes, en tant que seconde responsable. Avec cette nomination, le département de l’Education se retrouve encore avec, à sa tête, deux premiers décideurs qui ne sont pas issus de ses rangs. Ce qui, contrairement à ce que pensent certains, constitue plutôt un avantage : ne pas être obligé de fricoter avec les filières mafieuses incrustées dans le secteur, depuis, au moins, deux, voire trois décennies, et dont les pratiques et comportements sont pour beaucoup dans la grave anémie où se liquéfie cette importante institution publique. Depuis le début des années 80, les ministres et les secrétaires généraux se suivent et se ressemblent étrangement, au département de l’Education nationale. Il va sans dire que les multiples réformes engagées, de 1979 à 1999, n’ont visiblement pas permis au secteur de s’assainir. Les plans nationaux de son développement, les projets « Education », les journées de concertations et autres rencontres de tous ordres n’ont pas apporté grand-chose aux réalités, catastrophiques, de l’école mauritanienne. Les hommes et les femmes passent, les problèmes de formes et de fond demeurent. Finalement, les milliards claqués n’auront servi à rien. Absorbant plus des 3/5 des fonctionnaires de la Fonction publique, le ministère de l’Education est, certainement, le secteur où les choses ne marchent pas ou peu ; en tous cas, le moins. Inutile de ressasser, une fois de plus, les sempiternels problèmes que tout le monde connaît parfaitement et par cœur. On éprouve la nette impression, pour ne pas dire la nausée, de ce que le délaissement de cet département, pourtant essentiel à l’avenir de la Nation, serait un choix stratégique des autorités nationales. Et, de grâce, ne me parlez pas de cette fameuse année 2015, décrétée « Année de l’Education », par le président Mohamed ould Abdel Aziz. Il est évident que la réforme d’un domaine transversal aussi important que l’Education nécessite la mise en œuvre de véritables politiques multisectorielles, pendant plusieurs années. Si les slogans construisaient les pays, nous n’en serions certainement pas encore là. Comme les ministres, les années scolaires se suivent et se ressemblent. Les problèmes se sont tant multipliés que les responsables ne savent plus par où commencer. Parmi les dysfonctionnements les plus préjudiciables, la problématique des ressources humaines paraît à l’origine de toutes les autres incohérences de gestion. Depuis deux à trois ans, le ministère fait recours, au fondamental et au secondaire, à des individus, appelés pompeusement instituteurs et professeurs « contractuels » ; en réalité, totalement étrangers au corps enseignant. Une sorte d’hérésie pédagogique qui permet, au moindre responsable de tous niveaux, d’engager complaisamment parents, amis, connaissances. Au moins deux raisons permettent de comprendre l’inadéquation de cette mesure.
En un, le ministère ne devrait pas, normalement, en avoir besoin. Les ratios d’instituteurs et de professeurs réputés encore en fonction couvrent les besoins des établissements scolaires, sur l’ensemble du territoire national. Mais les fameux détachements d’instituteurs et de professeurs vers d’autres départements a privé le secteur de ses meilleurs cadres, partis, avec la complicité de politiciens et de personnalités influentes, civiles et militaires, en quête de meilleures situations. A cet égard, les affectations abusives des instituteurs et des professeurs vers les directions centrales, régionales et autres ont opéré de véritables hécatombes dans les établissements d’enseignement. Un petit tour dans les bureaux du ministère, où les directions et autres cabinets sont pleins à craquer d’un personnel pléthorique, démontre l’ampleur des dégâts et l’ampleur de l’irresponsabilité de ceux qui ont en charge la gestion des ressources humaines. Les instituteurs et les professeurs ainsi « employés » inutilement se comptent, au bas mot, par milliers. Si l’on y a ajoute ceux qui se voient bombardés, du jour au lendemain, conseillers pédagogiques ou attachés aux plus imprécises fonctions administratives, en plus de ceux qui vaquent, chaque jour, à d’autres activités sans aucun rapport avec leur formation d’instituteurs ou de professeurs, il devient évident que le ministère n’avait aucunement besoin d’engager le moindre contractuel.
En deux, la grande majorité des personnes engagées ne disposent pas plus du niveau minimal, en termes de connaissances générales, qu’ils ne bénéficient de la moindre formation technique de base qui leur permettrait d’assurer un service minimum. Le problème est grave : les staffs d’encadrement de nombreux établissements, surtout du secondaire, sont constitués à 90%, voire plus, de ces contractuels dont certains ne maîtrisent même pas la langue d’enseignement. En 2008, lorsque l’ancien général Mohamed ould Abdel Aziz prit le pouvoir, des syndicats de l’enseignement qui prétendent l’avoir rencontré entretinrent l’espoir de voir renaître leur secteur. Las ! Huit ans plus tard, non seulement rien n’a changé mais rien ne semble, encore, en perspective. Bonne arrivée, quand même, et, surtout, courage, madame la secrétaire générale !
Sneïba El Kory