Les paysans de la vallée de la rive droite du fleuve Sénégal s’inquiètent sur le sort de l’agriculture traditionnelle qui les faisait vivre. A l’irrégularité désormais chronique des pluies, raréfiant les crues du fleuve inondant les plaines du Walo, est venue s’ajouter, depuis quelques années, les invasions endémiques d’oiseaux granivores. C’est le cas spécialement dans le département de M’Bagne. Chaque année que Dieu fait, ces mange-mil font des ravages dans les champs du Diéri et du Walo. Et les battues, organisées par les paysans, contre les bandes d’oiseaux qui viennent s’installer pendant l’épiaison, n’y peuvent rien. Tous les moyens traditionnels de lutte sont épuisés : battues, destruction de nids et de dortoirs, chasse à la fronde… Les agriculteurs finissent, le plus souvent, par arracher leurs champs avant maturation, histoire de récolter un tant soit peu et de s’épargner une vaine lutte. Un paysan nous raconte, dépité : « Rien ne fait peur à ces oiseaux qui peuvent s’accrocher jusqu’aux épis que vous secouez ! ». Le seul profit à tirer de longs mois de labeur reste le fourrage aux animaux.
Même les périmètres rizicoles de Dabbé, Sorimalé et Thiéguelel ne sont pas épargnés. Les indésirables investissent les parcelles, aussitôt les semences mises en terre et les agriculteurs doivent veiller sur leurs cultures jusqu’à la récolte. « C’est très hypothétique de produire du riz, ici », avouent nombre de paysans. D’autant plus qu’à ces contraintes aviaires, viennent s’ajouter les animaux en divagation, singes et autres phacochères, ainsi que les pannes des moteurs, en pleine campagne et période critique de développement du riz.
Cette situation est plus qu’incompréhensible, à l’heure où les pouvoirs publics clament, sur tous les toits, que « toutes les dispositions ont été prises, pour faire, de l’agriculture, un levier du développement national ». En tout cas, pas celui de M’Bagne où les agriculteurs semblent abandonnés à eux-mêmes, malgré l’installation d’un important projet de deux milliards d’ouguiyas : pas de grillage pour protéger les périmètres rizicoles et les champs, absence d’accompagnement pour lutter contre les oiseaux granivores, aucune piste de désenclavement des zones de production. Les charretiers de M’Botto ont même été obligés de construire, l’an dernier, un pont artisanal sur un des plus grands bras du fleuve Sénégal (Lougué), avec du bois et des sacs pleins de terre, pour désenclaver les champs de décrue et les périmètres rizicoles de Thiéguele et de Sorimalé. En période de décrue, les habitants de M’Botto, Thilla, Sorimalé et autres villages voisins du Sénégal ne peuvent traverser cette rivière qu’en pirogue – souvent délabrée… – à la nage ou, plus rarement, à gué.
Dans cette partie du département de M’Bagne, on cultive le sorgho, le petit mil, les niébé, le maïs, les pastèques, les melons…Même si le riz est en train de conquérir les cœurs, en dépit des difficultés susdites, les paysans restent encore attachés à ces cultures traditionnelles.