Le jour de la célébration de l’indépendance de son pays le 9 décembre dernier, le président tanzanien, John Magufuli, a dirigé lui-même une opération de collecte des ordures dans la capitale Dar-Es-Salam. Non seulement, il a interdit toute célébration officielle mais il a considéré qu’il serait honteux de dépenser de l’argent pour fêter l’indépendance au moment où des gens meurent encore de choléra dans son pays, faute de soins. Il n’y a donc eu ni inaugurations officielles, ni déplacement présidentiel et encore moins défilés ou parades militaires. Des milliards ont pu être ainsi économisés et orientés vers quelque chose d’utile au pays et à ses populations. Qu’a fait la Mauritanie, pays pauvre parmi les pauvres s’il en est, pour célébrer son anniversaire le 28 novembre dernier ? Son président a-t-il, comme son homologue tanzanien, fait preuve de sagesse, en refusant un exhibitionnisme aussi coûteux qu’inutile ? A-t-il songé un instant que ces milliards dilapidés en quelques jours, pour organiser, le temps d’une matinée, une parade militaire, auraient pu servir à construire des écoles, des hôpitaux, des barrages ou des routes, mettre en valeur des terres agricoles ou venir en aide aux pauvres ? A-t-il pris la mesure de cette saignée pour un Trésor public, déjà mis à rude épreuve par la baisse des recettes, et dont l’incapacité à faire face aux engagements de l’Etat devient criante ? Autrement formulé, à quoi sert-il de se pâmer devant un tel étalage de forces et répéter à l’envi que tout danger extérieur est écarté quand on est incapable d’assurer la sécurité de ses propres citoyens ? Une réalité amère que plus personne ne peut nier, devant un tel déferlement de violences que connait Nouakchott depuis quelques mois. En témoigne le meurtre en plein jour d’une commerçante au marché de la capitale qui a fini de démontrer que cette ville est devenue dangereuse. Où il ne se passe pas un jour sans qu’un ou deux meurtres, des multiples braquages, des viols à répétition ne soient signalés. Des quartiers entiers sont devenus des zones de non droit où il serait suicidaire de circuler dès la nuit tombée. Des bandes armées font régulièrement des descentes dans les commerces et parfois chez des paisibles citoyens. Même avec si des moyens faibles, pour ne pas dire dérisoires, la police réussit dans la plupart des cas à arrêter les meurtriers, les grands bandits et parfois même les auteurs de petits larcins, la situation ne cesse d’empirer. Et le problème va crescendo. La faute à qui ? A la société injuste et inégalitaire qui a enfantés ces bandits de grands (et de petits) chemins et ne leur a offert de débouchés que la rue? A une urbanisation galopante et anarchique ? A une école publique devenue synonyme d’échec ? A la justice qui n’a pas souvent la main lourde ? A un système de sécurité défaillant dans l’ensemble ?
Quelle que soit la cause, il y a en tout cas danger. A ce rythme, Nouakchott sera bientôt plus dangereuse que Lagos, Johanesburg, le Bronx ou Harlem. Si on ne veut pas assister impuissants à un déferlement de violences urbaines, il est encore temps de réagir. Quelles solutions faut-il alors envisager : Réhabiliter la police et lui offrir les moyens de remplir sa mission? Offrir à ces personnes, en rupture de ban, autre chose que la prison et travailler à leur intégration dans la société ? Se dire enfin que la ville n’est pas la campagne, qu’elle a ses exigences et ses contraintes auxquelles il faut se soumettre ?
A contrario de ce que disait Victor Hugo selon lequel celui ‘’qui ouvre une école, ferme une prison’’, on peut légitimement se poser la question : qui vend une école n’ouvre-t-il pas une prison ?
Ahmed Ould Cheikh