La rencontre tant attendue entre le pouvoir et l’opposition, réunie au sein du forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), a finalement eu lieu le 2 décembre dernier au Palais des congrès. Cette rencontre, à la demande du pouvoir, qui a suscité un malaise au sein du forum, a permis tout de même de renouer le contact entre les deux parties, contacts rompus depuis plusieurs mois. Ce fut également une occasion pour les uns et les autres de réaffirmer, chacun, en ce qui le concerne, son intention d’aller au dialogue. Mais la pomme de discorde fondamentale demeure, car même si dans son communiqué le Forum parle d’une atmosphère emprunte de « sérénité et de sérieux », l’opposition, considérée comme radicale, continue à exiger de la part de la partie adverse une réponse écrite à sa plateforme pour démontrer sa « bonne foi » à enclencher le processus de dialogue. Un retour à la case départ. Cependant, certains responsables du forum veulent positiver en pesant que le pouvoir pourrait cette fois-ci faire évoluer sa position. Un président d’un parti membre du forum croit savoir que le président de la République pourrait donner quelques gages à l’opposition car il serait soucieux, semble-t-il, de s’aménager une sortie honorable, en 2019. La remise en selle d’Ould Mohamed Laghdaf, après la calamiteuse organisation des journées préliminaires au dialogue en septembre dernier en est peut-être un des signes avant-coureurs. Ould Med Laghdaf bénéficie du côté de la majorité et de l’opposition de bonnes prédispositions. On le dit ‘’pondéré’’, et on en oublie que la dernière décision ne lui revient pas.
Du côté de l’opposition, excepté le RFD, on attend la réponse du palais brun. Le président de la République, de retour d’Afrique du sud, va soit autoriser la poursuite des contacts pour parvenir à un compromis afin d’enclencher le dialogue, ou rétropédaler comme en septembre dernier sur l’agenda des journées préliminaires, ce qui parait peu probable, indique un chef de parti membre du FNDU. Un nième blocage qui nécessiterait comme en RDC de faire appel, pourquoi pas à un facilitateur international. Pour certains observateurs, la méfiance entre les deux parties a trop duré et rien, jusque là ne semble pousser les uns et les autres à briser la glace. L’opposition mettant l’accent sur les « expériences malheureuses de dialogue avec le pouvoir » et ce dernier reprochant à son vis-à-vis de traîner les pieds, et accusant le RFD d’obstruction au dialogue.
Faire appel à un facilitateur extérieur, comme la RDC ?
Pourquoi pas, disent certains, dans la mesure où le pays peine à trouver des facilitateurs nationaux "indépendants". En effet, même si l’accord de Dakar reste au travers de la gorge de l’opposition, elle ne rejetterait probablement pas la médiation internationale parrainée par les Nations-Unies, par exemple. Une expérience mise en œuvre par le président du RDC, Joseph Kabila suspecté par son opposition de vouloir reculer le calendrier électoral mais aussi et surtout de vouloir modifier la Constitution de son pays pour briguer un 3ème mandat. C'est dans ce cadre que Said Djinnit, envoyé spécial des Nations Unies pour les Grands lacs a été mandaté pour une mission exploratoire en RDC pour tâter le terrain. La présence d’un facilitateur extérieur en Mauritanie pourrait peut-être rétablir la confiance perdue depuis 2008 et servir de caution à un éventuel accord entre le pouvoir et son opposition. Si l’accord de Dakar a été enterré par le pouvoir au lendemain des élections de juillet 2009, c’est peut-être parce qu’il y avait beaucoup de parrains et que la géopolitique de l’époque (dislocation de la Libye et apparition du terrorisme dans la sous-région mais surtout le soutien de la France) profitait au pouvoir. Aujourd’hui, les choses semblent évoluer avec le « refus » des pays occidentaux, notamment la France, excepté le cas du Congo Brazaville de "cautionner" le tripotage des constitutions. Le Burkina Faso est un cas d’école à méditer.
Il s’avère évident aujourd’hui le dialogue entre le pouvoir et l’opposition demeure un casse-tête mauritanien. Et tant que les uns et les autres ne parviennent pas à vaincre le signe indien qui est l’absence de confiance, toutes les tentatives d’amorce de dialogue resteront vaines. Tout le monde est convaincu qu’il appartient au pouvoir, en premier lieu, de faire le premier pas, en rassurant son vis-à-vis. L’opposition devra elle aussi faire preuve de « souplesse», le rapport de force n’étant pas en sa faveur.
Rappelons que c’est après avoir constaté l’échec des tentatives d’amorcer le dialogue avec son opposition que le président Joseph Kabila a sollicité les Nations pour la désignation d’un facilitateur international.
DL