« Nous ne comprenons pas pourquoi certains responsables de sociétés d’Etat mais aussi du privé n’exécutent pas les instructions du président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz autorisant le règlement définitif du dossier des fonctionnaires et agents de la fonction publique et du secteur privé victimes des licenciements abusifs entre 1989 et 1991», se sont demandés des membres du regroupement des victimes des années 1989/1991 (REVE), venus crier leur détresse, ce lundi 7 décembre au Calame. Des victimes qui affirment avoir été accompagnées dans ces entreprises par un conseiller du président de la République, Abdallahi Ould Ahmed Daamou pour plaider leur cause.
En effet, rappellent ces victimes, sur les 16 entités ayant reçu la circulaire gouvernementale, certaines continuent à trainer les pieds pour l’appliquer. Parmi les récalcitrants, les victimes citent, entre autres, la SONADER, la Mauritel, la SOMELEC.
Du côté de la Mauritel, l’ancien DG avait décidé, suite à une saisine du ministre des finances, d’octroyer, à titre d’indemnisation un montant de 30 millions d’Ouguiyas. Il avait cependant affirmé qu’il ne pouvait reprendre aucun des fonctions et agents licenciés. A en croire nos interlocuteurs, le payement devrait intervenir à la veille de la fête de Tabaski dernier. Hélas, le patron de la boîte a été remplacé et le nouveau directeur, pourtant saisi par la direction de la fonction publique au cœur de presque tous les récents blocages, tarde lui aussi à répondre au courrier.
Il faut rappeler qu’avant d’accepter la requête du ministre des finances à payer les indemnisations, la direction de Mauritel a rappelé que le gouvernement mauritanien s’était engagé, lors de la privatisation de Mauritel et au travers de la Convention de prise de participation du 12 avril 2001 à ne faire supporter par l’entreprise « aucune obligation non encore exécuté au titre de la rupture de tout contrat de travail, (…) ou pour ne pas avoir respecté une obligation quelconque de réintégrer un salarié.» Néanmoins, la Mauritel s’était engagée à contribuer aux dédommagements des victimes
Pour l’une des victimes, comme l’Etat est actionnaire de la société, elle peut bien défalquer le montant de cette participation. Ils sont 28 agents dont certains sont malades ou totalement démunis à tourner en rond depuis des années et abandonnés aux humeurs de certains responsables de l’administration.
Idem à la SOMELEC où toutes les formalités et annotations ont été faites, indiquent les membres du REVE. « Nous avons été voir le ministre du pétrole et de l’énergie pour faire avancer le dossier avec le conseiller Ould Ahmed Daamou, des instructions ont été données mais jusqu’au moment où nous vous parlons, le dossier dort dans les tiroirs de la société », affirment les membres du REVE. Et d’ajouter : « c’est des rendez-vous à n’en pas finir ».
De son côté, après réception de la lettre circulaire du gouvernement et sous la pression de ses anciens salariés, la SONADER a demandé une rallonge budgétaire au ministère des finances qui aurait rétorqué que la société dispose de ressources suffisantes pour s’acquitter de cette obligation. Et depuis lors, le dossier des indemnisations traîne en longueur.
Reconstitution de carrière et pensions des retraites
Si les entités destinataires de la circulaire du gouvernement ont respecté les instructions du président de la République, aucune n’a octroyé une pension de retraite à l’un de ses anciens employés licenciés abusivement. Et pour cause affirme la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), elles n’ont pas versé leurs cotisations. Selon les victimes, la CNSS, qui a payé les indemnisations à ces anciens employés et repris certains d’entre eux, a demandé au ministre des finances de faire une lettre circulaire adressée aux entreprises leur demandant de verser les cotisations depuis la date de licenciement des employés, à savoir 1989, pour la majorité des cas.
Autre problème des victimes, la reconstitution de carrière prévue dans le règlement du passif humanitaire. Selon l’un des employés, « certaines sociétés d’Etat ne voulant pas exécuter les instructions du Président de la République entretiennent un amalgame entre la date de la réhabilitation qui est une décision politique intervenue après le recensement des victimes en 2010 et la date de licenciement régie par les textes de la fonction publique. « Pour reconstituer la carrière, il faut partir de la date de licenciement, non de la date de réhabilitation intervenue alors que certains fonctionnaires et agents ont déjà atteint ou dépassé l’âge de la retraite ». « Nos responsables doivent se référer aux textes réglementaires, non à une décision politique », observe un de nos visiteurs. Tenez, signale l’un des membres du REVE, pour une simple erreur commise lors des opérations de recensement par ANAIR et que Tadamoun a redressée par lettre officielle, le port de Nouadhibou refuse de payer l’une des ses employées (secrétaire) parce que tout simplement, sur la liste, elle compte sur le personnel du Port de Nouakchott.
Désemparés, les fonctionnaires et agents du REVE qui courent derrière les rendez, à la direction de la fonction publique, au ministère des finances où le patron ne veut les recevoir et ne prend aucune décision, s’interrogent : « Est-ce que le président de la République qui vient d’affirmer, à l’occasion de la fête de l’indépendance que le dossier du passif humanitaire est définitivement réglé ne serait-il pas au courant des obstructions de certains petits responsables de l’administration ? Est-ce qu’on lui dit la vérité sur ce dossier dont le règlement avait été décidé depuis 2010? » Les victimes du REVE prient le président de la République de bien vouloir s’informer sur la gestion de ce dossier.
Ben Abdalla