Monsieur le président, Depuis quelques mois, pour ne pas dire quelques années, on ne parle plus que de dialogue entre vous et votre opposition. Vous vous êtes toujours déclaré prêt pour un ‘’dialogue franc et sincère’’. Vous l’avez dit et répété lors de vos conférences de presse et lors de vos prises de parole en public. Vous avez même désigné un de vos hommes-liges pour servir d’interface avec cette opposition. Qui ne vous a pourtant pas cru sur parole. En signe de bonne volonté, elle n’a pourtant pas demandé la lune. Elle a juste exigé que votre émissaire réponde par écrit à ce qu’elle considère comme des préalables indispensables avant de passer aux choses sérieuses. Un écueil qu’il n’arrive pas à franchir malgré sa simplicité. Vous auriez pu lui dire de répondre à cette requête, si votre souhait était réellement de voir ce ‘’dialogue franc et sincère’’ sortir de l’ornière. Mais cela semble être le cadet de vos préoccupations. Vous avez fini par donner l’impression que vous ne jouez pas le jeu, telle une équipe qui mène au score et attend tranquillement la fin du match. A aucun moment, à part vos déclarations, qui ne dépassent apparemment celui de l’intention, vous n’avez fait un geste de nature à instaurer la confiance avec vos adversaires et à décrisper la scène politique. Vous auriez pu les inviter à s’asseoir avec vous autour d’une table, discuter de la situation du pays, poser ses vrais problèmes et se mettre d’accord sur un processus électoral d’où personne ne sera exclu. Vous ne serez pas moins président qu’avant et le respect qu’on vous devra n’en sera que plus grand. Mais vous avez préféré l’entêtement, refusant la moindre concession ou la moindre déclaration apaisante. Comme lorsque ce journaliste vous demanda, lors d’une rencontre avec la presse, de dire ouvertement aux mauritaniens que vous n’êtes pas candidat à un troisième mandat, vous avez parfaitement éludé la question, passant du coq à l’âne. Comment voulez-vous que l’opposition vous accorde le moindre crédit dans ces conditions et accourt pour prendre part à un dialogue dont vous-mêmes n’êtes convaincu ni de la pertinence, ni de l’utilité dans un pays pourtant en crise.
Pire, dans votre souci d’exclure un peu plus ces partis, dont le seul tort est de ne pas être tendre avec votre gestion chaotique du pays, vous vous êtes choisi une opposition, dite modérée et sur mesure, avec laquelle vous avez dialogué en 2011. Vous vous êtes mesuré à elle et vous l’avez massacrée en 2013 et 2014. Et c’est ce qui vous convient tout compte fait. Des modérés (dans votre entendement) qui se laissent battre facilement, n’élèvent pas trop la voix et qu’il n’est pas très difficile de calmer. Mais cette fois la coupe est pleine. La crise vous rattrape après des années d’abondance au cours desquelles vous avez dormi sur vos lauriers et dilapidé un pactole, dont une partie au moins aurait dû être mise de côté pour les années de vaches maigres comme celle que nous vivons et celles qui nous attendent. Vous avez senti subitement que vous avez besoin de cette opposition que vous méprisez. Va-t-elle se méprendre de nouveau sur votre compte ? Et vous aider à sortir de ce mauvais pas ? Un fort courant au sein d’elle refuse de se prêter à ce jeu et une grande partie de l’opinion lui donne raison. La balle est désormais dans votre camp. Faites un effort ! Si vous vous sentez réellement incapable de vous surpasser pour reconnaitre que vous faites fausse route et que l’entêtement est toujours mauvais conseiller, achevez votre mandat, comme vous l’avez commencé, sous le signe de la crise et rendez votre tablier. Notre pays a besoin de connaitre enfin une situation apaisée, une élection transparente et une démocratie véritable qui ne sent pas les militaires à mille lieues. Si ce n’est trop vous demander.
Un dernier conseil : Evitez pendant qu’il est encore temps le syndrome Wade. L’ancien président sénégalais, qui s’est trop accroché au pouvoir, est sorti par la petite porte et son fils, dont le goût pour les affaires est un secret de Polichinelle, croupit actuellement en prison, après avoir été condamné à rembourser l’argent amassé indûment et à une forte amende.
Avec mes sentiments distingués.
Ahmed Ould Cheikh