L’ONG Stop Sida, pionnière dans la lutte contre le VIH en Mauritanie, a initié la révision, avant validation, par les départements ministériels clefs et les partenaires, du projet de loi pour la santé reproductive. Une loi qui vise à protéger la famille mauritanienne, hommes, femmes et enfants, contre la redoutable pandémie. Les moyens de protection existent et sont disponibles. A commencer, bien entendu, par la sensibilisation et la formation – en un mot, la prévention – où les ONG spécialisées comme Stop Sida peuvent jouer un rôle déterminant. Pour ne citer que celle-ci, Stop Sida s’est investi, bien avant les fondations du CTA et du Secrétariat Exécutif National de Lutte contre le Sida (SENLS), non seulement dans la sensibilisation et le dépistage mais, aussi, la prise en charge des personnes infectées, en assurant, notamment, leur évacuation vers Dakar.
Pour élargir et réorienter ses activités, l’ONG a proposé un projet de loi sur la santé de la reproduction. Un texte important qui touche au fondement même de la société : la famille. Constitué de vingt-cinq articles répartis en huit chapitres : dispositions générales de la Santé de la Reproduction (SR), prestataires, soins et services, droits, devoirs, dispositions pénales, interruption de grossesse, dispositions transitoires et finales. L’article premier définit ainsi les objectifs du texte : « La présente loi a pour objet de protéger les générations présentes et futures des effets sanitaires, sociaux, dévastateurs des maladies touchant à la santé publique et, en particulier, la santé de la reproduction en République Islamique de Mauritanie ».
Mais cet important jalon, dans la lutte contre un bon nombre de maladies, dort, depuis deux bonnes années déjà, dans les tiroirs du ministère de la Santé. « Nous avons déployé tous les efforts », commente Fatimétou mint Maham, secrétaire exécutive de Stop Sida, « remué ciel et terre, mis à contribution nos relations, mais nous nous heurtons à un mur d’incompréhensions. Le texte a pourtant été estimé juridiquement correct, par le conseiller juridique du ministère de la Santé ; il a reçu l’aval du ministère de l’Orientation islamique qui n’y voit aucune atteinte à nos valeurs islamiques et sociales ; bailleurs de fonds et partenaires techniques étrangers l’approuvent. Je ne comprends pas pourquoi l’on nous traite comme un ballon : soit on accepte notre travail, soit on l’enterre, mais on prend, en tout cas, une décision. C’est simple, non ? »
Origine du blocage ?
Pourquoi ce blocage ? Un engagement politique opaque, pour ne pas dire mauvaise volonté du gouvernement qui ne voudrait pas un texte de loi préparé, initialement, en 2007, avec le réseau des parlementaires « santé et population » ; présenté et défendu, par le ministre de la Santé, en Conseil des ministres, la même année et, depuis, remis en cause, pour « compléments d’étude » ? A moins que ce ne soit, tout bêtement, dû à l’obstruction de certains lobbies ?
Quoique parfois encline au découragement, Stop Sida ne baisse pas les bras. Pour situer le blocage, une délégation, comprenant les principaux responsables de l’ONG, dont son président, Hamden ould Tah, a fait le tour des départements ministériels concernés : ministères de la Santé, des Affaires sociales, enfance et famille, des Affaires islamiques, de la Communication et des relations avec le Parlement. Elle a reçu, partout, des promesses fermes ou, disons-le, des engagements à « faire quelque chose », certains affirmant « avoir fait le nécessaire, en ce qui les concerne », d’autres « s’étonnant » de voir le texte traîner et d‘autres, enfin, déclarant ne l’avoir « jamais vu ». Bien déterminée à aller jusqu’au bout de ses peines, Mint Maham, qui a pris le soin de garder les traces écrites des différents courriers, les exhibe systématiquement à ses interlocuteurs. A quand, donc, la décision gouvernementale visant à faire adopter, par le Parlement, avec ou sans amendements, cet important projet qui permettra, aux ONG comme Stop Sida, de dérouler leurs activités, en compléments et renfort de celles des pouvoirs publics ?
Fondée le 31 Juillet 1993 Stop Sida est une organisation non gouvernementale dont la vocation est le développement économique et social. Elle est organisée sur la base du volontariat à caractère humanitaire et à but non lucratif. Son objectif est de contribuer à l’objectif national de maintien de la séroprévalence du VIH à moins de 1%, en réduisant, notamment, la vulnérabilité aux IST/VIH/SIDA. Première ONG thématique mauritanienne en ce domaine, elle a su s’imposer dans un contexte socioculturel conservateur où la contraception et le Sida étaient tabous. Elle a su relever de nombreux défis grâce à un réseau de partenaires nationaux et de bailleurs de fonds qui la jugent « crédible ».
Après vingt-deux années de labeur, elle dispose, aujourd’hui, d’un bilan appréciable. Des réalisations visibles sur le terrain, doublées d’une confiance des partenaires comme l’USAID, le PNUD, l’ONUSIDA, le FNUAP et OP fond. « Qu’ils en soient tous remerciés », indique Mint Maham. Après avoir servi d’intermédiaire entre les structures de prise en charge du Sénégal, alors qu’il n’y avait pas d’ARV en Mauritanie, elle a soutenu activement la fondation et l’accompagnement des associations PVVIH.
Outre l’entière prise en charge, à ses débuts, des malades, Stop Sida n’a cessé d’organiser, dans toutes les communautés, surtout parmi les jeunes, des campagnes de sensibilisation, de dépistage volontaire et de formations, grâce à une clinique mobile et des sites fixes. Elle a ouvert des centres d’écoute et oriente les séropositifs vers des centres spécialisés. Elle finance également des activités génératrices de revenus (AGR) pour des personnes vivant avec le SIDA.
C’est dans cette dynamique qu’elle se bat pour donner un cadre juridique à la santé de la reproduction. Pourquoi se heurte-t-elle au blocage des départements ministériels concernés ? En pénalisant ce projet de loi, ils portent préjudice à des organisations qui entendent « contribuer à la dignité des populations mauritaniennes, à travers la mise en œuvre d’un programme participatif d’éducation sanitaire, et de prise en charge globale des malades, en général, et des PVVIH en particulier, basé sur les droits humains ». Le gouvernement aurait-il plutôt choisi de décourager ces bénévoles organisations citoyennes ?
Thiam