L’Association pour le Développement de Maghama (ADM) a organisé, samedi dernier, à Mauricom, une conférence sur « La littérature pulaar ». Le thème a été traité, de main de maître, par le professeur Issagha Corera, enseignant, chercheur et député à l’Assemblée nationale.
Ouvrant la conférence, le vice-président de l’association, Anne Adama, dit Poulo, a souhaité la bienvenue au nombreux public d’intellectuels, de jeunes et de femmes qui ont sacrifié leur temps et leurs occupations pour répondre à l’invitation. Monsieur Anne a dit espérer que tous repartiront bien édifiés sur ce pan de la culture pulaar. Le modérateur de la conférence, Bâ Mamadou Alassane, a déroulé les étapes marquant l’événement. Il revenait enfin au journaliste Mamadou Hamady N’Diaye, alias Bosco, de présenter brièvement le conférencier, déjà célèbre pour ses recherches et son combat pour l’introduction des langues nationales dans le système éducatif mauritanien, en vue de rétablir la justice entre les différentes communautés du pays.
Abordant son sujet, le conférencier a d’emblée défini ce qu’est la littérature pulaar, creuset de différentes mode d’expression de la culture d’un peuple. Il ensuite décliné les quelques formes de cette littérature que sont les contes et légendes (Dillere, Pekaan, Gubala, Leele…). L’homme a insisté sur les valeurs qu’ils portent pour la communauté pulaar. D’où l’urgence, face à un monde qui se globalise, de les transcrire et de les préserver, afin de les faire connaître, à ceux qui vivent avec nous, d’abord, et au reste du monde, pour ne pas rater le rendu du donner et du recevoir. Contrairement à ce que croient certains intellectuels et autres sceptiques, la littérature pulaar est très féconde. Il faut la découvrir. Le conférencier a invité les jeunes à s’y « ressourcer », afin de se connaître, d’abord, et de se faire connaître, ensuite, des autres, parce qu’ils vivent dans un monde de féroces compétitions culturelles. Le docteur Corera Issagha a demandé aux détenteurs de savoir légendaire (contes et légendes…) d’accepter de le léguer aux jeunes générations qui le légueront, à leur tour, aux générations futures, grâce à l’écriture et, surtout, aux nouvelles technologies de la communication. Parce que, désormais, les lieux d’apprentissage des jeunes qui s’effectuaient, naguère, sur les places publiques (Diguire), autour des grand-pères et grand-mères contant pour les enfants, n’existent plus dans le Fuuta. Le conférencier n’a pas manqué de suggérer, aux conteurs et autres « sacs de paroles », d’adapter leur enseignement à leur environnement : il faut savoir s’adapter pour ne pas disparaître. S’ouvrir, aussi, en empruntant, aux autres, ce dont le Pulaar a besoin, pour « apprendre à vaincre sans avoir raison », comme l’a dit la Grande Royale, dans « L’aventure ambigüe » de Cheikh Hamidou Kane. Clôturant son propos, le professeur Corera a invité les intellectuels de la communauté, hommes, femmes jeunes et vieux, à jouer pleinement leur rôle d’avant-garde, capitaliser les différents efforts de l’Institut des langues et des chercheurs, pour préserver la littérature pulaar, vecteur de la culture peulh.
A sa suite, plusieurs orateurs ont pris la parole pour, soit apporter leur contribution, soit pour poser des questions. Certains se sont inquiétés des emprunts, par les jeunes, à d’autres langues. Pour endiguer ce phénomène d’acculturation, il a été rappelé, aux parents, de donner le bon exemple. Tirant les enseignements de l’exposé, le président Bâ Mamadou Alassane a demandé aux participants d’être fiers de leur culture, de ses finesses et des valeurs que véhicule leur littérature, de la connaître profondément et de la faire connaître aux autres. Pour le modérateur, il faut, aussi et surtout, se battre pour la conserver et de la préserver, contre son engloutissement dans un monde où les grands avalent les petits. Il a souhaité, enfin, que les associations et autres groupements de s’inspirer de l’initiative de l’ADM et organisent des manifestations similaires.