La cohésion sociale : La grande leçon d’Amneiguir

29 October, 2015 - 09:48

Notre pays souffre depuis quelques temps d’un problème social épineux. Une partie non négligeable de notre peuple communément appelée Haratine (descendants d’anciens esclaves) s’estime marginalisée et prétend souffrir d’inégalité et d’exclusion. Des mouvements se réclamant de cette frange se sont constitués de par le passé pour être le porte-étendard de leurs revendications sociales, notamment le mouvement El Hor et actuellement l’ONG IRA.

 

Cette dernière, dont le discours s’est radicalisé par rapport à son ainé, accuse le gouvernement mauritanien de ne pas fournir suffisamment d’effort pour lutter contre l’esclavage et l’injustice dont est victime cette couche sociale.

 

Cet état de fait commence d’ailleurs à avoir des relais favorables sur le plan international, malgré les lois promulguées ces derniers temps par l’Etat mauritanien pour juguler cette tare.

 

Parmi les réactions les plus signifiantes, nous pouvons noter la déclaration virulente du parlement canadien qui dénonce l’existence de l’esclavage en Mauritanie et exhorte son gouvernement à sensibiliser l’opinion internationale sur cette question.

 

Le parlement européen n’est pas en reste. Dans des déclarations antérieures, il a souligné l’existence des disfonctionnements sociales graves dans le pays qui méritent une prompte rectification.

 

En Amérique du Nord, des voix autorisées de Sénateurs et de Maires de grandes agglomérations commencent à élever le ton pour demander au gouvernement  mauritanien d’agir positivement.

 

L’organisation Slavery a, dans un rapport qui fait autorité auprès des institutions internationales, évalue le nombre d’esclaves en Mauritanie à 155.000.

 

L’octroi du prix des Droits de l’Homme des Nations Unis au président d’IRA et son inscription par Foreign Policy parmi les 100 personnalités au monde dont la pensée influe leur milieu de manière prépondérante, révèle l’importance accordée par la communauté internationale à la nécessité de prendre en charge cette question sociale pour la résoudre définitivement.

 

D’autre part, la création par le gouvernement mauritanien de l’Agence TADAMOUN, dont l’action est orientée directement vers cette souche sociale, d’un Commissariat aux Droits de l’Homme et d’une Commission aux Droits de l’Homme, atteste de la priorité accordée par le gouvernement à cette question.

 

Au total les résultats obtenus dans ce domaine restent très mitigés et sources de beaucoup de polémiques.

 

On est en droit à ce point de se demander s’il ne faut pas changer de méthode et de vision en abordant cette question.

 

Nous avons expérimenté par des lois depuis l’indépendance la lutte contre cette tare sociale mais cela a démontré ses limites.

 

Est-ce qu’il ne serait pas opportun maintenant d’expérimenter une démarche consensuelle en organisant des assises nationales de concertations sur la question pour avoir l’adhésion de tout le monde sur la solution définitive ?

 

En tout cas, la question mérite une réflexion approfondie, rapide et un résultat palpable.

 

A Amneiguir, les populations locales n’étant pas apparemment optimistes de l’iminence d’une telle initiative, elles se sont retrouvées une journée de dimanche du mois d’octobre au village pour inaugurer le sondage très tôt le matin et ensuite sous les tentes pour débattre ensemble de la nécessité de renforcer la cohésion sociale au village sous la supervision d’une coordination représentative de toutes les sensibilités sociales.

 

Amneiguir, village emblématique du grand érudit Mohand Baba Ould Abeid, l’un des derniers grands Cadis de l’Emirat du Trarza, connu pour sa droiture légendaire et son immense savoir.

 

Ce village relevant de la Moughataa de Ouad Naga, Wilaya du Trarza est situé dans un site géographique dominé par un océan de dunes qui donne l’impression aux visiteurs d’être dans un paysage lunaire impressionnant.

 

A la fin de la journée, après un débat long et sincère, tout le monde s’est accordé sur la nécessité de prendre en compte la demande de plus en plus pressente de justice et d’égalité comme fondement pour vivre un présent qui exige plus de paix, d’harmonie et de cohésion sociale.

 

Une belle leçon de patriotisme envoyée d’un village du fond du désert, mais ne dit-on pas que le bon sens est la chose la mieux partagée au monde ?

 

 

 

 Mohamed Saleck Deida

Pdt d’ORLIE (Observatoire Raja de Lutte

 Contre les Inégalités et l’Exclusion)

Tél. : 22.65.62.61 – Email : [email protected]