Le mono-dialogue a redémarré ce 20 Octobre. Après une « accalmie » de plus d’un mois, au cours de laquelle divers ministres ont sillonné le pays, pour expliquer les vertus de la concertation (avec soi-même ?), voilà la conférence tam-tam qui re-tympanise, mais toujours sans voix discordante. L’opposition rebutant, encore une fois, à se laisser convaincre par la nécessité de s’asseoir, autour d’une même table, avec un pouvoir qui refuse de la considérer en partenaire à part entière. Et dont elle n’arrive toujours à saisir les motivations pour un dialogue qui aurait dû s’engager dès 2009, juste après la présidentielle, en vertu des fameux accords de Dakar.
Pourquoi maintenant, alors qu’aucune élection n’est en vue ? En l’attente de jours meilleurs, Ould Abdel Aziz, qui voit l’horizon s’assombrir de tant de difficultés politiques, sociales et économiques, voudrait-il sortir de ce mauvais pas en occupant l’opinion publique ? Ou pense-t-il que l’opposition, qui s’est auto-exclue de l’Assemblée nationale et des mairies, en boycottant les dernières élections, va se jeter, comme un mort de faim, sur un dialogue prêt-à-porter, histoire de négocier quelque nouvelles consultations électorales ? Croit-il qu’avec un quarteron d’opposants en rupture de ban, il pourrait susciter des recommandations crédibles, obtenant l’adhésion de l’opinion intérieure et des partenaires extérieurs ?
Peut-être n’a-t-il pas l’intention de triturer la Constitution, du moins si l’on en croit te ou tel de ses soutiens. Arrêtons donc de lui faire un mauvais procès et attendons la fin du monologue du Palais des congrès pour voir de quoi il retourne. Mais ce qui est sûr, dans le contexte actuel, marqué par la décote du fer, le déficit des finances publiques, le surendettement, la hausse des prix le mécontentement généralisé, la mystérieuse épidémie de fièvre, le tout en pleine crise politique et sociale, c’est qu’il serait suicidaire de se lancer dans une nouvelle aventure, en tentant une réforme constitutionnelle. C’est comme si l’on choisissait de rallumer de nouveaux foyers, au risque de tout embraser, plutôt que de tenter de circonscrire l’incendie.
Parions, pour l’heure, que notre stratège présidentiel s’abstienne de recourir à un tel aléatoire pare-feu. Mais le monologue dialoguiste suffira-t-il à éteindre les braises qui se multiplient ? Un arrosage en bonne et due forme alors ? Les milliards que nos « frères » saoudiens seraient prêts à débloquer, en échange de l’envoi de troupes pour combattre les Houtis, seraient-ils le remède-miracle à tous nos soucis ? Entretenir une telle illusion semble pourtant de mémoire bien courte. Jamais, au cours de ces dernières années, notre pays n’a obtenu autant d’argent : recettes minières, fiscales et douanières, renouvellement des licences de téléphonie mobile, aides et prêts des bailleurs de fonds arabes et autres ; pour un résultat on ne peut plus piètre, une fois le bitume de nos rues nidifié par les poules. Quelques milliards de plus versés dans le tonneau des Danaïdes dont la chaleur grandissante des problèmes vaporise l’eau à la vitesse grand V… Milliards évaporés ? Pas pour tout le monde, évidemment, mais les petits malins feraient bien d’assurer leurs arrières : ça sent bigrement le roussi, par les temps qui courent…
Ahmed Ould Cheikh