J'ai rarement vu une telle psychose collective, une telle peur, une telle angoisse, que celle provoquée par la FVR. Non pas que les Nous Z'Autres la découvrions : elle et nous c'est une vieille histoire à feuilleton. Mais tant que la FVR apparaissait dans les confins de notre pays, à savoir tout ce qui commence aux limites de Nouakchott Plage et s'étend jusque l'on ne sait plus trop bien où, mais là bas, loin, très loin, nous n'en avions cure. Les histoires de bétail, de moustiques, de pluies, de paysans, de vétérinaires ne nous concernant pas nous décidions que cette fièvre hémorragique n'était qu'un avatar de plus dans la longue histoire que nous entretenons avec les maladies : un épiphénomène poli au point de nous foutre la paix à nous les citadins.
Nous voilà bien maintenant, heureux « bénéficiaires » et de la dengue et de la FVR.
Car, pour corser les choses, cela fait des mois que nous découvrons les joies de la dengue.
Et comme dans notre royaume, la seule règle qui prévaut est le silence officiel, nous nous sommes chargés, comme l'on peut, de combler ce vide communicationnel. La machine à psychoter est mise en branle. Panique à tous les étages...
Si trop d'information tue l'information, pas d'information du tout provoque la peur.
Le Ministère de la Santé a fait mine d'ignorer la dengue, pas un mot, pas une campagne d'explication, pas de pédagogie...Rien...Abandonnant le corps médical, le laissant gérer les angoisses des gens atteints par cette fièvre transmise par le moustique.
Tous les bruits ont couru, les rumeurs ont fait le reste. Du coup tout le monde confond tout, et la dengue, et la FVR et la grippe et le palu et le simple petit rhume et, logiquement, se précipite aux urgences à la moindre fièvre, encombrant des services non préparés à un tel afflux et, surtout, à un tel questionnement.
Nous sommes déjà un peuple hypocondriaque.Il n'en fallait pas plus que ce mutisme des autorités sanitaires pour faire de nous des« hors contrôle ».
Où l'on semble découvrir la dengue «officiellement».
Et pourtant, pourtant...les autorités mauritaniennes ont été averties depuis des mois par l'OMS sur cette fièvre là. Depuis des mois. Les autorités ont préféré se taire. Ne me demandez pas la raison d'un tel mutisme, je ne la connais pas. Mais elles étaient au courant. Elles disposaient du temps nécessaire pour mener une campagne d'explication, de pédagogie. Elles ont pour elles tout un réseau de médias publics au travers desquels il fallait faire des spots, des émissions, lancer des messages aux gens..
Faire preuve de communication. On ne leur demandait pas de tout nous dire, de nous noyer sous des explications techniques, juste de reconnaître que la dengue est désormais chez nous, qu'il n'existe peut être pas de traitement spécifique et que, en grande majorité, on s'en tire. Mais qu'il existe des formes de dengues où cela peut virer à une fièvre hémorragique.
Il fallait arrêter de nous prendre pour des imbéciles. Serions-nous incapables de comprendre certaines choses ?
Voilà les autorités débordées et prises à leur propre jeu silencieux : elles sont face à deux psychoses, deux fièvres, deux paniques, deux incompréhensions.
Elles n'ont pas géré la dengue, elles tentent de gérer la FVR. Et, au milieu, 1 million d'habitants de Nouakchott paniqués....
Faut dire, à la décharge de nos dirigeants, que tous les ministres ont été occupés et sont toujours occupés à autre chose. Ils ont été envoyés comme VRP de luxe dans tous les recoins de notre République, histoire d'aller vanter les mérites du « Monologue », cet ersatz de «Dialogue » où personne ne dialogue.
Cela s'appelle une échelle de priorités. Dans la chaîne alimentaire à la sauce Nous Z'Autres, tout en haut il y a le « Dialogue », tout en bas les fièvres. Entre deux, c'est chacun pour soi et Dieu pour tous.
Résultat des courses : une épidémie de dengue, la FVR qui se rappelle à notre bon souvenir, des habitants paniqués, des services de santé débordés et, encore et toujours, le grand mutisme.
Le silence étant une des principales caractéristiques de notre mode de gouvernance, le peuple apprend à parler, même si c'est pour tout mélanger...Mais la nature ayant horreur du vide, c'est la peur qui mène la danse.
A force de gérer un État, comme on gère la Grande Muette, on en oublie les fondamentaux : qu'une Nation n'est pas un monde à part, enfermé dans des règles de « l'entre soi », où rien ne fuite, rien ne se dit, où la doxa serait le fameux et très militaire « no comment, pas de commentaire, RAS ».
On a perdu un temps fou, tous ces mois écoulés où les autorités sanitaires avaient été alertées.
Pourquoi ne pas avoir fait preuve de pédagogie quand les rapports leur sont parvenus ?
Pourquoi avoir décidé de se taire et de faire comme si ?
Pourquoi ne pas avoir ANTICIPE ?
Car c'est de cela dont il s'agit : d'anticipation.
Il fallait préparer les services hospitaliers à cette panique, à cette épidémie.
Il fallait rassurer les gens.
ANTICPER...et pas seulement « dialoguer ».
ANTICIPATION, COMMUNICATION, PEDAGOGIE, PLANS SANITAIRES...Toute une chaîne de prise en charge. Ne pas abandonner les médecins. Ne pas abandonner les citoyens.
Expliquer.
Et, surtout, arrêter de nous prendre pour des attardés, des ignares, des sans importance.
Les autorités se sont plantées. Et, pendant que nous paniquons, nous en arrivons à oublier que d'autres « tueurs » sévissent toujours : le palu en est un...
La dengue, la FVR, ou l'histoire d'une catastrophe annoncée....
Salut
Mariem mint DERWICH