L’information est pour le moins insolite. Elle a été relayée, cette semaine, par le journal télévisé de France 2 et témoigne de la modestie légendaire de la Norvège. Modeste mais au top des pays riches de la planète : elle a, notamment, amassé, grâce à ses ressources pétrolières, un pactole de quelque 900 milliards de dollars, lorsque les prix de l’or noir étaient au plus haut… Et France 2 nous apprend que telle ministre norvégienne rentre à son bureau, au sortir d’une émission matinale sur une chaîne locale, à pied, sans aucune escorte. Se met au travail. Puis descend, à la pause, à la cantine du ministère pour déjeuner. A sa table, en face d’elle, l’employée chargée du nettoyage. Vers 17 heures, elle prend les transports en commun, pour retourner chez elle, un appartement de fonction d’à peine cent mètres carrés, sommairement équipé. Son collègue des Affaires étrangères s’était vu offrir, il y a peu, des tapis de la Turquie : il fut obligé de les restituer, lorsque la presse eut vent de l’affaire…
En tout cela, quel lien avec la Mauritanie qui n’est ni riche, ni démocratique encore moins modeste ? Le contraste. Si fort qu’il en devient choquant. Notre président de la République se prend, tout à la fois, pour le ministre des Finances, le directeur du Budget et le Trésorier général ; « son » Premier ministre pour un simple primus inter pares* qui ne cherche pas à faire des vagues; le ministre des Finances, pour un directeur des Impôts ; le ministre de la Santé, pour un homme politique ; le président de l’UPR, (PRDS-version Aziz), pour le ministre de la Santé ; le ministre de l’Energie, pour le directeur de la SOMELEC ; la directrice générale de la TVM, pour la ministre de la Communication et la conseillère de presse du Président ; tout peshmerga qui ne respecte pas plus sa profession que lui-même pour un journaliste sérieux et crédible.
Rien qu’à voir la façon dont nos ministres se déplacent, en voitures de luxe, vitres teintées et rideaux tirés, chauffeur et policier à l’avant, leurs homologues norvégiens peuvent aller se rhabiller. Nos hauts fonctionnaires se barricadent, tant à domicile qu’au bureau, et le citoyen lambda en souffrance de quelque problème peut facilement passer des années dans les couloirs ministériels, sans jamais ne serait-ce qu’entrevoir l’entre eux. Et que dire des cadeaux que nos dirigeants reçoivent et qu’entoure la plus totale opacité ? Feu Moktar ould Daddah reversait, automatiquement, au Trésor public, tous les cadeaux, parfois somptueux, dont ses homologues l’honoraient. C’est un secret de Polichinelle que, depuis, aucun autre de nos présidents n’a déclaré la moindre offrande et Allah sait qu’il y en eut, en trente-sept ans ! Argent liquide, bijoux en or, tapis, montres de valeur, ils ont tout gardé pour eux et leur variablement douce moitié.
La Norvège, qui ne se targue pourtant pas d’être une république islamique, nous donne ainsi des leçons de probité et de respect de la chose publique. Elle n’a donc pas besoin d’organiser des journées de concertation pour se donner des airs de vertu. En la vivant, banalement, quotidiennement et jusqu’en ses plus hautes instances, elle assure, en toute modestie, la stabilité de ses institutions, la confiance de ses partenaires et, ce qui n’est pas le moindre des bienfaits, la paix civile…
*Premier parmi ses pairs
Ahmed Ould Cheikh