Depuis que Nouakchott Plage se rêve en Venise ouest-africaine, notre belle capitale est devenue un vaste champ de reproduction de moustiques. Jusqu'à faire de ce petit insecte d'apparence si inoffensive ( avoir des pattes, des ailes et produire un bruit strident ne fait pas de vous, automatiquement, un animal dangereux...) l'ennemi public numéro un, l'empêcheur de dormir en rond, le piqueur tueur en série, le centre de toutes les récriminations...Faut dire que c'est devenu la « fête du slip » , pour reprendre une expression triviale de nos amis toubabs : ça se reproduit à tour d'ailes et de piqûres..Un vrai Peace and surtout love à la mode insecte. Pourquoi voudriez-vous que nos meilleurs ennemis à Z'ailes et papattes aillent voir ailleurs si nous n'y serions pas ? Ils ont tout pour coloniser nos espaces : des lacs citadins, des mares d'eau croupie, des espaces verts luxuriants, des quartiers devenus des îles, de l'eau, encore de l'eau, toujours de l'eau. Forts de cette géographie lacustre contre laquelle nous pestons à chaque hivernage, ils ont déposé leurs valises et ne sont absolument pas convaincus que Nouakchott ne leur appartient pas ainsi que ses habitants. Nous sommes devenus le garde-manger officiel du moustique femelle, la grande réserve de sang, le buffet « tout à volonté ». Quand j'étais jeune, en ces temps éloignés où se décidait qui de Néanderthal ou de Cro-magnon gagnerait le droit à la survie, une ville était mondialement connue du quartier pour ses moustiques : Rosso. Cela ne veut pas dire que nous n'avions pas de moustiques nouakchottois. Il y avait des moustiques. Nous avions nos quartiers, ils avaient les leurs, les périmètres maraîchers . Nous nous rendions des visites de bonne courtoisie, histoire de nous enquérir des familles respectives. La nuit, quelques moustiques faisaient leurs virées en ville, piquaient par ci par là, permettant l'enrichissement du boutiquier du coin qui nous faisait découvrir le Fly Tox et l'art du gazage en plein vol. Forts à l'écoute de nos besoins économiques et étant animés d'un sens patriotique du développement, les moustiques permettaient aux petits malins de prospérer en vendant la moustiquaire, équivalent local de la vieille khaïma... A chaque hivernage, Nouakchott se transformait en village de moustiquaires. A cette époque, nous dormions encore dans la rue, devant les maisons, histoire d'échapper aux grosses chaleurs estivales ( quand je vous dis que je parle des temps préhistoriques) et chacun d'arrimer la moustiquaire afin que nous nous entassions dessous, parents, enfants, tribus, voisins, copains et j'en passe.... Puis, à la fin de l'hivernage, nos moustiques d'antan avaient la politesse de retourner voler en rond dans leurs quartiers, nous foutant la paix pour quelques mois, hormis quelques virées de jeunes moustiques ados qui faisaient des incursions inconscientes hors de leurs quartiers...Faut bien que jeunesse se passe. Ils prenaient une claque derrière les oreilles ou un coup de Fly Tox, apprenaient la politesse et le partage de l'espace et rentraient les ailes basses dans leurs habitats. Les gouvernements de l'époque décidaient parfois de démoustiquer et, certains jours, des petits avions survolaient notre capitale encore à taille humaine, enfumant et les moustiques et les Nous Z'Autres. Les mamans nous couraient après pour nous faire rentrer avant le gazage gouvernemental et le jeu consistait à leur échapper car c'était fascinant un avion qui faisait de la fumée... Aujourd'hui ce ne sont plus les moustiques qui habitent chez nous, c'est nous qui habitons chez les moustiques. Ce qui n'est pas pareil. Deux espaces temps, deux gouvernements, deux conseils des ministres, des médias distincts... Le moustique étant, par essence, aussi voyageur que son cousin prédateur, à savoir le Nous Z'Autres, il a pris l'avion, s'est métissé...Dans ses bagages, des maladies exotiques. Nous ne connaissions que le palu . Nous découvrons la dengue tropicale. Et voilà Nouakchott touché par une maladie difficile à vivre, contre laquelle il n'existe aucun traitement hormis la prise d'antalgiques simples.... Nos Z'autorités Z'officielles ont reconnu, enfin, que c'est bien la dengue qui sévit. Une fois reconnu ceci, plus rien. Nous sommes donc heureux : nous avons mis un nom sur la fièvre. C'est déjà pas mal. Cela évite les appellations diverses et variées qui apparaissent en temps de peur : fièvre de Dar Naïm, fièvre de tel ou tel quartier...Comme si chaque quartier créait ses propres maladies et ses virus.... et ses propres moustiques... Mais une fois qu'il a été dit que la dengue est chez nous, on fait quoi maintenant ? On lutte comment ? Je ne vois pas de campagnes à grande échelle de démoustication. Je ne vois pas de travaux d'assèchement des lacs urbains. Je ne vois pas d'assèchement de certains quartiers. Tout est bon pour les moustiques : Nouakchott est remplie d'eau stagnante. Les moustiques adorent cela. Tant que la situation perdurera, nous pourrons crier à tous les vents, rien n'y fera. J'ai vécu en Nouvelle Calédonie où il y a la dengue et, là bas, les autorités procèdent à la démoustication : certains soirs des camions sillonnent la ville en déversant des fumigènes. Des campagnes de prévention sont mises en place, expliquant aux habitants les dangers des eaux stagnantes, etc... Chez nous nada. Nous on crie, on a peur. On a peur, on crie... On vit tellement dangereusement déjà ...Nos maisons sont envahies de tueurs divers et variés : tiques, puces, souris, cafards....Tiens, ces derniers, parlons-en : savez vous que les allergènes contenus dans les déjections de cafards favorisent l'asthme et les rhinites allergiques ? Et quand on connaît le nombre d'asthmatiques en Mauritanie, il serait peut-être temps de faire un lien de cause à effet non ? Y a-t-il eu des campagnes sanitaires visant à lutter contre les cafards ? Non. La seule campagne que je connaisse est le vol de babouche visant à écrabouiller le cafard, campagne locale et dont nous avons développé un art particulier. Nous sommes les rois du ratatinage sportif de cafard mauritanien. Depuis quelques années nous tentons des résistances chimiques , à coups de produits chinois dont on ne connaît pas la composition et qui sont des petites bombes auxquelles nous ouvrons nos maisons et exposons nos enfants.... Quand à la tique, n'en parlons pas : tapez sur un moteur de recherche, maladie de Lyme et je vous laisse psychoter tous seuls.... Alors, pour résumer : je plains celui qui est asthmatique, qui attrape la dengue, la maladie de lyme, qui respire, en plus, un autre agent tueur, le diesel... Nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Nous n'en sommes qu'au début d'une catastrophe sanitaire... Mais bon : là haut ils ont dit : c'est la dengue..c'est déjà quelque chose.... salut Mariem mint DERWICH
Faites un petit tour à Nouakchott : allez de la plage des pêcheurs au Port de l’Amitié ou de cette infrastructure vers le carrefour dit Bamako ; partez d’Atak El Kheir 2 en direction de l’Est ; promenez-vous en divers quartiers de la capitale… Rassurez-vous, il ne s’agit pas de villégiature !