À Bruxelles comme à Berlin, Rome, Paris ou Madrid, tout le monde assure que la crise migratoire qui touche l’Europe est loin d’être passagère et qu’elle s’est installée pour durer. Pour le ministre des Affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, il s’agit, « peut-être, du plus grand défi de l'histoire de l'UE ». Malgré les réticences des pays de l’Est, dont celle de la Hongrie du populiste Viktor Orban qui n’hésite pas à envoyer les forces de l’ordre pour réprimer les réfugiés, principalement syriens et irakiens, l’Union Européenne, sous l’influence de la toute puissante Allemagne, est bien décidée à affronter positivement cette crise. Une vraie première, quand on songe à l’inertie dont firent preuve les institutions européennes ; tout particulièrement, les Etats-membres ; lorsqu’en 2014, l’Italie fut confrontée à une vague de réfugiés sans précédent. Mais, cette fois, la donne a changé, puisque les flux migratoires touchent, aussi, les pays de l’Est, porte d’entrée principale pour des réfugiés moyen-orientaux dont la majorité veut séjourner en Allemagne.
Selon les dernières estimations de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus de 430 000 migrants et réfugiés ont traversé la Méditerranée, depuis Janvier 2015, et près de 2 748 y ont péri ou disparu. Près de 310 000 d'entre eux ont atteint la Grèce, 121 000 l’Italie, 2 166 l’Espagne et 100 Malte. Entre jeudi et vendredi, 7 600 migrants sont entrés, en 12 heures, en Macédoine, a indiqué l'ONU. Un record.
Pour répondre au défi, la Commission européenne a proposé, le 9 Septembre dernier, une nouvelle série de propositions que les ministres de l’Intérieur de l’UE étaient appelés à approuver, hier lundi. Les mesures soumises, par la Commission, aux Etats-membres de l’UE et au Parlement européen, incluent la constitution d’un fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, de 1,8 milliard d’euros prélevés sur les ressources financières de l’UE. Comme l’indique Alexandre Polack, porte-parole de la Commission européenne pour les portefeuilles Développement et Aide Humanitaire, « ce fonds vise à favoriser la stabilité en Afrique et à renforcer la lutte contre les causes profondes de la migration illégale sur le continent africain ».
Afronline.org : Pouvez-vous nous détailler les objectifs de ce fonds fiduciaire ?
Alexandre Polack : Cette initiative a pour but de continuer à renforcer la coopération entre l’Union Européenne et ses partenaires africains. Ce fonds fiduciaire vise à augmenter notre aide, qui est déjà considérable, dans le domaine de la migration, ce qui revient à s’attaquer aux problèmes à la racine du trafic d’êtres humains et de la mort de trop nombreuses personnes aux portes de l’Europe. Ce combat passe, notamment, par la création d’emplois, l’accès aux services de base, le renforcement des capacités des autorités africaines à lutter contre les trafiquants d’êtres humains et tous ceux qui proposent monts et merveilles à des citoyens africains, en mettant leur vie en péril. Enfin, il ne faut pas oublier la gouvernance.
- Quelles sont les régions les plus concernées ?
- Il y a trois régions principales, à commencer par le Sahel, le Lac Tchad et, notamment, le Mali, où les problèmes de déstabilisation et de manque d’accès aux services de base sont très importants. La deuxième région est la Corne de l’Afrique dont la Somalie, le Soudan et le Sud-Soudan sont les pays les plus à risques, et, enfin, le Maghreb évidemment. Je tiens à rappeler que l’UE intervient depuis très longtemps, dans ces trois zones géographiques. Il s’agit donc de renforcer une coopération déjà en place et le Fonds fiduciaire est un instrument parmi beaucoup d’autres.
- D’où viennent ces fonds et qui va mettre l’argent sur la table ?
- La Commission européenne propose d’allouer 1,8 milliards d’euros du budget européen. L’instrument principal est le Fonds Européen de Développement, le FED, où nous comptons puiser un milliards d’euros dans sa réserve qui dispose de fonds utilisables en cas de graves crises. Mais d’autres fonds sont disponibles, dans les différents programmes régionaux, ainsi que l’instrument européen de voisinage qui concerne le Maghreb. Enfin, nous avons demandé des fonds supplémentaires à tous les Etats-membres car cette crise les concerne tous. Nous avons déjà reçu la confirmation de l’Espagne. D’autres Etats sont en train de réagir très positivement, ce qui est encourageant. Contrairement au passé, certains Etats se rendent finalement compte que si l’on ne s’attaque à la racine de la crise, en renforçant notre coopération avec l’Afrique et autres zones géographiques, nous n’arriverons pas à faire ensemble face à cette crise qui est là pour durer.
- Dans ce combat, l’UE n’est évidemment pas seule : les pays africains et l’Union Africaine auront aussi leur mot à dire, notamment au Sommet UE-Afrique, prévu les 11 et 12 Novembre à Malte…
- Nous sommes dans une logique de partenariat ; donc dans une logique de dialogue permanent. La proposition du fonds fiduciaire sera discutée, ces prochaines semaines, avec nos partenaires africains, afin d’arriver à un consensus à Malte. Ce n’est qu’après le Sommet que ce fonds deviendra opérationnel.
Propos recueillis à Bruxelles, par Joshua Massarenti (Afronline.org)