Dans son livre la persécution et l’art d’écrire, LEO STRAUSS a dit : « Un homme dont la pensée est indépendante peut exprimer publiquement ses opinions sans dommage, pourvu qu’il agisse avec prudence. Il peut même les faire imprimer sans courir aucun danger, pourvu qu’il soit capable d’écrire entre les lignes ».
Les Mauritaniens n’ont pas l’habitude de lire, ni de connaitre le point de vue de leurs officiers sur les problèmes nationaux. Autant la constitution leur interdit de faire la politique, autant ils doivent rester républicains, servant leur pays, loin de tout ce qui est anticonstitutionnel. Une mission, on ne peut plus noble. C’est pourquoi, ils étaient surpris quand le colonel(E/R) Oumar ould BEIBACAR a osé exposer, sans ambages, avec une indépendance d’esprit, dans une conscience totale, et par écrit, son point de vue sur des problèmes, jusque là tabous, à l’opinion nationale.
Coup sur coup, il a écrit sur Oum Tounsi, la guerre du Sahara, les Flam. Trois sujets qui, dans un contexte apaisé, méritent d’être débattus entre intellectuels de tous bords, civils et militaires, sans passion, ni politisation, rien que pour servir la Nation. Dans chacun des cas, il a avancé des chiffres, c’est scientifique, la contradiction doit se faire par des chiffres.
Ceci étant, les articles du colonel (E/R) Oumar sortent du contexte normal des choses, dont nous avons l’habitude. Un officier supérieur qui écrit librement, et étale ses idées au débat sur des sujets brûlants, on n’en a jamais connu. Mais, reconnaissons, tout de même, que c’est son droit le plus absolu de se livrer à l’écriture, et au débat des sujets nationaux, maintenant qu’il est libre et sans contrainte. C’est un choix. En effet, le bagage intellectuel ou la culture, nous les avons à des degrés divers et il faut les partager avec les autres. Il reste incompris, en quoi cela offusque-t-il autant, sauf pour ceux qui ont des choses à se reprocher ?
Laissons donc poindre, cette race pure d’officiers cultivés, dont regorge la grande muette, afin d’apporter des éclaircissements sur des zones d’ombre jusque là inconnues. Ce sera une valeur ajoutée incontestable, au moins sur les plans instructif et historique, même si déjà l’objectif et le résultat, sur le plan militaire, sont connus.
Ces intellectuels de l’ombre, tapis et bouche-cousue, pensant les théories et stratégies, placardés par des lois implacables, inféodés à une rigueur disciplinaire intenable, toute leur carrière durant, donnant et exécutant les ordres et contre-ordres, parfois à contre-cœur, sous le label d’un article stupide qui dit que le chef a toujours raison. Mais aussi et surtout, sous l’épée de Damoclés, qu’ils ont en permanence sur la tête, celle là, cette fois-ci, sous l’égide de « l’obligation de réserve ». Devrions-nous attendre, à chaque fois, que l’un d’entre eux soit à la retraite pour bénéficier de sa contribution au débat national en péril?
Ou pourrions-nous espérer que la fierté et l’orgueil, qu’ils ont de leur militarité, aideront à les transformer dans la civilité, les lois autorisant, au moins, sur le plan intellectuel, tout en rappelant ce que le pédagogue, Raoûl Duguay a si bien dit, un jour : « Ecrire est l’art de devenir un autre tout en restant soi-même».
Dy ould Hasni ould Moulaye Ismail