L’éducation nationale communique : plus d’écoles privées sur le territoire national de la République islamique de Mauritanie. Esselam. Petit centre. Grand centre. Moyen centre. El Fouti. Les écoles M’Barek et frères. L’enseignement pour tous. Mes écoles. Les Méharées ou les Méharistes. Les Mourabitounes. Achbal ou grands garçons et autres appellations tout aussi pompeuses, placardées partout sur d’anciennes résidences, auberges, maisons privées, restaurants, cafétérias, salles de jeux, couloirs ou antichambres d’hôtels. De petites cuisines qui servent de classes de Terminale où s’entassent quelques dizaines de garçons et de filles. Une douche interne qui sert de classe de cinquième, pour quelques gamins et un profitard (astakfiroullahi, c’est un lapsus) et un professeur. En fait, c’est un peu ça. Pour deux anecdotes, au moins. L’une est celle d’un lycée privé nouakchottois de renom qui engage un ouest-africain comme professeur de sciences naturelles pour une terminale D. Finalement, il s’avère que ce professeur-là n’était qu’un piètre élève d’une piètre première année de biologie. Mais chez lui. Là-bas. Loin de chez nous. Pas ici. Ici, c’est ici. Et là-bas, c’est là-bas. L’essentiel, c’est de tenir jusqu’à la fin du mois. Sans bruit. Sans vacation. Sans viduité. Le reste, ça vient après. Et puis, les examens, c’est une affaire qui se gère. Les niveaux, c’est une autre histoire. Le bac, c’est juste pour entrer en haut. Un peu plus en haut qu’en bas.
L’autre, c’est ce mouleur (manœuvre qualifié en fabrication de briques) d’un pays voisin. Tout voisin. Qui devient, subitement, maître d’une sixième année. Avec cravache. Craie. Cravate. Adieu, pelle, brouette et moule ! L’école privée en Mauritanie, c’est toute une histoire. Particulièrement complexe. Il y a de tout. Ses promoteurs : ce ne sont pas que des enseignants. Ce ne sont même pas des enseignants. Un jardinier par-ci, étranger de surcroÎt. Un marabout joueur de cauris, par-là. Qui décident, tous deux, de devenir des pédagogues. Au pays des non-voyants. Les à peine voyants. Tout-à-fait à peine. Juste voir une grosse lettre d’alphabet, sur un gros tableau noir. Des anciens gendarmes retraités, anciens policiers, douaniers, comptables, diplomates, forestiers et autres transformés en inamovibles patrons d'établissements privés. Tels percepteurs. Tels élèves. Tels niveaux. Dépréciation totale du savoir. Va au moins devenir instituteur, à défaut de pouvoir mieux : chauffeur de taxi, agent des impôts ou n’importe quoi d’autre qui sonne et trébuche.
Le ministère veut assainir le privé. C’est une affaire fastidieuse. Volonté de nettoyer ces écuries d’Augias. Le problème est dedans. C’est ça, le problème : il est en eux, les gens de l’éducation. Les autorisations d’enseigner qu’ils donnent, à tour de bras, à n'importe qui : c’est eux. Les dossiers d’ouverture d’établissements privés : c’est eux. Leurs transactions. Leurs ventes. Leurs mutations de noms à noms. Tout ça, c’est eux. Ceux-là mêmes qui prétendent assainir. Les écoles façons, à tout coin de rue. Les pancartes mal orthographiées, à tout va. Tout ça, c’est eux. Les paraphes du ministre, du secrétaire général, des directeurs centraux, sur les documents légalisant ces hérésies pédagogiques. Ça ne tombe pas du ciel. Toutes ces incommodités. Toutes ces incongruités. Toutes ces indélicatesses. Quels programmes ? Quels curricula ? Quelles méthodes ? Chacun y va comme il veut. Comme il peut. Ce ne sont pas deux écoles en Mauritanie. C’est autant d’écoles qu’il y a de coins de rue. Des livres de toute provenance. L’histoire de France, pour certains. Les Arabes, pour d’autres. Les Afriques. Les idéologies. La mécanique. Les vieilles théories longtemps oubliées de toute l’Humanité. Les universités privées à vingt-cinq étudiants. Aux professeurs sortis de nulle part. Les instituts tout aussi privés de tout. Le ministère de l’Education veut assainir. Son privé. Son public. Belle initiative. Une grosse glace. Toute droite. Toute propre. Pour tout voir en grand. Salut.