Allez savoir qui et ce qui décide d’envoyer, à Genève, deux inspecteurs de l’IGE vérifier les comptes de la représentation de la Mauritanie auprès du Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme. Dans l’état de retardement systématique – méthodique ? – du projet de modernisation de notre administration, on imagine une rumeur, une répartie de salon, une allusion, plus ou moins perfide, d’un envieux, au cours d’une visitation d’En haut, tout là-bas, au loin… Bref, toujours est-il que, voici quelque deux ans, ladite mission s’envolait chez les p’tits suisses pour vérifier sept mois des comptes d’El Mouvadal ould Sidi, comptable de la représentation dirigée, durant la période, par Cheikh Ahmed ould Zahav.
El Mouvadal n’osa pas montrer le bout du nez et pour cause : plus de quatre-vingt-dix millions de comptabilité vaporeuse, pour ne pas dire évaporée : dépenses sans crédits budgétaires notifiés, paiements et retraits de chèques sans objet ou à des personnes méconnues, pièces comptables sans aucune pièce justificative… En ce qui concerne les quelque dix millions de frais d’hôtel, de réception, de bureau et d’entretien, un seul fournisseur : un supermarché local spécialisé dans l’alimentaire mais incapable de fournir des factures un tant soit peu précises, se bornant à de sommaires attestations de solde… Libéralités tout aussi suspectes à l’égard du propriétaire de la résidence du diplomate, qui s’est épisodiquement vu gratifié d’extras totalement injustifiés… Dix millions de frais de mission, où de simples réunions à Genève se virent généreusement couvertes par six à dix-huit jours de perdiem… Quatorze millions de transports et de télécoms sans factures, plus de treize millions d’assurances versées, sans que les inspecteurs n’aient pu obtenir la moindre liste des assurés… Quant aux salaires jamais établis de manière régulière ni déchargés par leurs (supputés ?) bénéficiaires, ils ont donné le tournis au pauvre vérificateur. L’on aura également remarqué, du côté du personnel diplomate, les trop perçus conséquents du comptable, l’opacité totale de l’emploi des contractuels, à la seule discrétion d’Ould Zahav, sans aucune assurance-maladie et variablement augmenté de montants injustifiés, aura plus donné à moudre, encore, entre accusation de fictions et de falsifications…
En seulement sept mois d’exercices, ça avait donc été de vrais travaux forcés de détournements, faux et usages de faux ; à la louche, à la pelle, quotidiens ; que dis-je, à la minute, comme d’autres respirent ! De tels remarquables efforts ne pouvaient évidemment pas rester ignorés, bêtement confinés dans la froidure genevoise. Suite au dithyrambique rapport de l’IGE adjoint, Ould Zahav s’est donc vu promu conseiller du PM chargé des droits de l’Homme, avec vue d’en haut sur les petites allées et venues des inspecteurs de l’IGE. Sans doute aura-t-il à cœur de féliciter les deux dont le zèle lui a valu une telle méritoire reconnaissance nationale... dans la douceur acidulée des mille et un petits dérèglements mauritaniens de l’art de rectifier…
feylili