Le sort du processus où l’opposition et le pouvoir s’étaient engagés était-il déjà scellé ? Tous les observateurs se le demandaient, ces derniers temps, et c’est précisément le moment que choisit celui-ci pour changer complètement de stratégie. Le monsieur Dialogue mandaté par le président de la République tire comme un trait sur les préliminaires et l’échange de documents entre les deux camps, envoyant une lettre d’invitation à divers partis politiques, sans qu’on sache sur quels critères ce choix a-t-il été établi, et fixant même, au 7 Septembre, la date-butoir d’un dialogue dont il aurait, très certainement, déjà fixé l’agenda et les conclusions. Curieuse manière de faire, pour un président de la République qui avait abordé son second et dernier mandat en donnant comme une espèce de « gage », à la Communauté internationale et à l’opposition, en invitant celle réputée « radicale », le FNDU, à un dialogue au cours duquel « aucun sujet ne serait tabou ». Avec les atermoiements qu’on sait. Une occasion de gâchée, était-on donc tenté de se demander… Mais par qui ? Par l’opposition, répondait, il y a peu, Ould Maham, le président de l’UPR, principal parti de la majorité présidentielle. Pour cet avocat, c’est l’opposition – principalement le FNDU – qui freine le dialogue. Le président de l’UPR, membre de la délégation du pouvoir aux préliminaires, avait, pourtant, assisté au refus de celle-ci de fournir des réponses écrites au FNDU et pu mesurer, en conséquence, l’impact de ce malheureux incident. En le négligeant, Ould Maham annonçait donc la couleur mais personne ne pouvait soupçonner le pouvoir d’ourdir un forcing pour, soit pousser l’opposition vers un dialogue à ses conditions à lui, soit provoquer un clash.
Pour un ancien membre influent de l’UPR, l’opposition a raté ou plutôt gâché, pense-t-il lui aussi, une occasion ; elle devrait prendre le Président au mot et accepter de s’asseoir autour d’une table, afin de convenir des points à débattre. Elle a gâché l’occasion d’arracher un certain nombre de concessions au pouvoir. Mais pourquoi celui-ci a-t-il décidé de changer de stratégie et de convoquer unilatéralement un dialogue en Septembre ? Que s’est-il passé pour qu’il décide de passer à la vitesse supérieure ? En tout cas, en tirant comme un trait sur tout ce qui a été fait jusque-là, le pouvoir se met en mauvaise posture et conforte l’opposition dans son doute de la sincérité de celui-ci à établir les conditions d’un dialogue inclusif, franc et sincère.
Le FNDU dit niet
Comme on l’imaginait, le FNDU a rejeté, illico, l’approche du pouvoir qui l’a, jusqu’ici, « méprisée ». Certains du Front laissent entendre qu’ils ne sont pas surpris de l’attitude de la Présidence, parce que, pour eux, celle-ci s’est toujours jouée de l’opposition : 2009, à Dakar, 2011 et 2013. Un président d’un parti dit, cependant, qu’il attendait plutôt à ce que le monsieur Dialogue, Moulaye ould Mohamed Laghdhaf, relance, au lieu de remettre tout en cause, un processus aux arrêts, avec l’entame des visitations présidentielles à l’intérieur du pays. L’ancien Premier ministre, devenu ministre secrétaire général de la Présidence et surtout cité comme potentiel dauphin d’Ould Abdel Aziz, aurait donc mis ses vacances à profit pour mijoter une nouvelle stratégie visant à mettre l’opposition devant le fait accompli. Jusqu’ici, l’opposition a résisté aux coups de boutoirs du pouvoir. Mais fallait-il, pour autant, user de cette nouvelle approche par diktat ?
Les observateurs se posent, aujourd’hui, plusieurs questions. Tout d’abord, l’opposition confondue (FNDU et CUPAD) réussira-t-elle à maintenir sa cohésion interne ? Quelques de leurs partis succomberont-ils aux sirènes du pouvoir ? En effet, il n’est un secret pour personne que certains partis ou « partillons », au sein de ces deux blocs, ont tenté de les pousser au dialogue avec celui-ci. Mais, à s’en tenir à sa réaction, c’est unanimement que le FNDU a rejeté l’invitation de la Présidence. On se rappelle combien les longs conciliabules au sein du bloc politique du FNDU, pour apporter une réponse aux points proposés par le pouvoir, avaient suscité de craintes de le voir éclater et la CUPAD accepter de retourner à la table des négociations. Tous avaient, dans leur document-réponse au pouvoir, réitéré leur disponibilité à aller au dialogue mais rejeté, en bloc, l’idée d’amendements constitutionnels qu’ils suspectaient le pouvoir de nourrir. La menace du déverrouillage de l’article 26 de la Constitution permettant, à l’actuel Président, de briguer un troisième mandat, avait fini par rapprocher les positions des deux camps dont on attend des réactions plus commentées, au cours de prochains points de presse, à la convocation de monsieur Dialogue. Quelle attitude adoptera le pouvoir envers le rejet de son offre ? Ira-t-il, comme il le prévoit, au dialogue ? Le cas échéant, avec qui ? Et sur quoi ? Les semaines à venir pourront peut-être éclairer nos lanternes…
DL