Mes amis, je reviens d’Atar après avoir passé trois jours en mission pour SOS Esclaves. Mais là n’est pas l’essentiel. Avec le président Boubacar ould Messoud, c’est toujours une occasion d’apprendre encore des choses sur la lutte que mènent, depuis trente-sept ans, des cadres harratines pour l’émancipation de leur communauté. Un voyage particulièrement rude, d’au moins cinq heures de temps, dans la voiture de l’organisation. Les indélicatesses du chauffeur et les aléas du climat ont rendu l’atmosphère un peu délétère. Mais, finalement, tout s’est bien passé. L’atelier de partage, entre les femmes membres du réseau et quelques victimes arrachées de l’esclavage, a été fructueux. Les témoignages émouvants, les présentations intéressantes (notion de genre, notions de droits de l’homme et violations basées sur le genre). Ce voyage a constitué, pour moi, une occasion de découvrir un autre visage de la Mauritanie. Les amis du président Boubacar, notamment Hassena ould Ahmed Labeïd et Mahmoudi ould Boukhreiss, se l’arrachaient. Pour venir déjeuner chez l’un et aller dîner chez l’autre. Partout, les hôtes du président, vieux amis du collège Xavier Coppolani, dans les années 57/58, l’ont couvert de tous les honneurs. Toutes leurs familles ameutées, pour le servir, lui et ses accompagnateurs. Plaisantes, leurs discussions : pleines de souvenirs de collège, d’amis, de frères, de compagnons. Trois commis de l’Etat qui ont loyalement servi leur pays jusqu’à la retraite. Trois commis formés au moule d’une école républicaine qui ne distinguait pas entre ses fils. Trois commis imbus des principes et des valeurs de fraternité, de justice et d’égalité. C’est un autre visage de la Mauritanie en extinction que ces trois hommes représentent. Des anecdotes croustillantes, comme celle, rapportée par Boubacar, d’avoir sauvé, de la noyade, trois de leurs amis, devenus depuis, comme eux, de grands cadres du pays. Ou celle que raconte, en s’esclaffant, Mahmoudi : un jour de 58, un homme se présente à lui, lui fait cadeau d’une bouteille de beurre, avant de lui confier son fils. Ou comme lorsque un autre ami à eux nous récite encore sa première leçon de civisme qu’il garde toujours en tête. Les trois compères se demandent que sont devenus leurs amis de telle ou telle communauté. Certains sont morts. D’autres pas. Mais, que c’était beau de les voir ainsi discuter, communier, analyser ! Un autre visage de la Mauritanie. Celui de l’espérance, de la tolérance, de la fraternité. Les valeurs mauritaniennes. Les vraies.
Sneïba El Kory