Il est des moments où il devient pénible de remplir son devoir. Celui qui nous incombe aujourd’hui nous émeut profondément. Et pour cause, après cinq décennies d’indépendance, nous continuons de traiter de la question de l’émergence de l’Etat des temps où le tribalisme et le système Emiral constituaient les défis majeurs de la jeune Nation. Seulement, les acteurs de la scène d’aujourd’hui sont constitués par une élite qui, malgré son hétérogénéité se complait dans l’exécution de basses forfaitures. Tandis qu’une frange de cette élite, hantée par les démons du passé s’adonne à la débauche sociale, une seconde frange digère mal de se voir priver des deniers publics mal acquis. Une troisième frange consent mal de perdre sa place au festin. Une quatrième frange use de coups bas pour réaliser ses ambitions politiques moribondes. Alors qu’une cinquième souscrit au rôle de marionnettes dans le règlement de comptes entre politiciens et détenteurs de capitaux.
Mais là où le bat blesse c’est que cette élite ne s’étant pas contentée de remuer le couteau dans les plaies du passé encore béantes, ne cesse de cribler l’Etat de tourments chimériques ayant pour assises tantôt des problèmes régionaux, tantôt des problèmes ethniques pour farder leur banqueroute intellectuelle, ignorant ou feignant d’ignorer qu’ils soufflent dans un ballon troué.
Il n’est pas fortuit qu’en moins d’une semaine, les réseaux sociaux secondés en cela par la presse indépendante publient la liste de personnes incriminées pour lien parental ou lien mitoyen. Comme si la richesse et l’embauche devaient être l’apanage d’un groupe déterminé. Parmi plus de 30 000 fonctionnaires et les centaines de nominations, seuls furent indexées quelques dizaines de personnes compte tenu d’un lien parental ou d’un lien mitoyen avec le pouvoir. De même parmi les nantis du pays, seules quelques personnes ont été reconsidérées pour le même motif et sans justifications valables si ce n’est l’envie, la calomnie et le règlement de comptes.
Tout récemment et lors d’un débat public, l’un d’eux objecta ma défense des réalisations du pouvoir compte tenu de mon origine tribale comme s’il s’agit d’un vice banni par la loi. En face de quelle logique sommes-nous ?
J’ai toujours pensé et suis convaincu que le tribalisme et le régionalisme sont le cheval de bataille des incompétents et des impuissants. Mais que la scène médiatique soit empestée d’articles, d’exposés et de dénonciations arborant l’étendard de la lutte contre la gabegie nonobstant l’intention mal voilée de nuire à une communauté déterminée et de soutenir les hommes d’affaires face à leurs nouveaux concurrents, dénote l’importance de sonner l’alarme pour que l’Elite de ce pays rompe le silence sur ce phénomène. Cette Elite devra récuser la phobie de la criminalisation pour lien parental ou lien mitoyen avec le pouvoir que d’aucuns utilisent comme moyen de chantage. Cette arme peu efficace brandie en face du pouvoir pourra un jour se retourner contre ses adversaires même au sein de l’opposition du fait des pêcheurs en eaux troubles dont les approches divergent.
Tout un chacun est en droit de se bâtir une fortune dans le respect de la législation. De même qu’on est en droit de bâtir en brèche le monopole de la richesse opéré par une minorité, le moins que l’on puisse dire est que le doute plane sur elle.
Chaque citoyen a droit au travail et la nomination au seul motif de ses compétences et qualifications abstraction faite de son origine tribale ou de son appartenance politique.
Tout mauritanien est en droit de connaître les nouveaux nantis du pays sans sélection abjecte. De même qu’il est en droit de savoir l’origine de cette richesse au vu des documents et justificatifs et non sur la base de phraséologie pompeuse, de verbiage cacophonique et de rumeurs lancées par les concurrents et rivaux de ces hommes d’affaires. Ainsi dans le respect de l’opinion publique, la vérité sera dévoilée loin de toute antipathie ou rancune pouvant raviver un feu dont les flammes n’épargneront personne.
Toutes les nominations opérées sur la base de qualifications académiques devront être connues de chacun, sans pour autant jeter le discrédit sur telle ou telle communauté faisant de son appartenance une tare éliminatoire.
Tout le monde et en particulier les élites devront apprécier à son juste titre la gravité de ce discours qui constitue une menace réelle pour chacun, si ce n’est aujourd’hui c’est bien pour demain.
Les élites devront combattre avec audace ce discours vil. Les gens ont des patronymes qui les identifient abstraction faite de leur appartenance ethnique ou de leur lien avec une autre personne. D'ailleurs, chacun est seul responsable de ses faits et agissements desquels il devra rendre compte sans user du deux poids deux mesures,
Nous devrons condamner le discours déraisonnable et illogique de ces groupuscules au même titre que les discours ethniques et racistes car c’est de cette goutte que le vase a débordé.
Ahmed Ould Mohamedou
Ecrivain, journaliste