Il ne se passe désormais pas un jour sans que la presse ne fasse état d’un scandale impliquant le pouvoir ou un de ses tentacules. Un jour, c’est le camion du Commissariat à la sécurité alimentaire, un autre, les boutiques de l’Ecole de police, les factures exagérément gonflées payées, par la SOMELEC, pour des lampadaires solaires dont plus de la moitié a déjà rendu l’âme, la construction de l’hôpital d’hépatologie ou du siège de la SNIM à Nouakchott, la mise en place de la centrale électrique dual attribuée, dans des conditions opaques, à Wartsila, pistonnée, en sous-main, par un « haut placé »... Il y a quelques jours, le noyautage de l’Etat, par un groupe, preuves à l’appui, a fait les choux gras de la presse qui ne s’est pas privée de citer des noms, à la pelle. Du népotisme avéré qui fait tache. A croire que la Mauritanie est désormais le Sénégal des Wade, la Libye des Kadhafi et la Tunisie des Trabelsi réunis, toutes proportions gardées, bien évidemment. Ould Abdel Aziz nous avait pourtant fait miroiter la lune, avec des slogans à l’emporte-pièce sur la nécessaire lutte contre la gabegie. On voit, sept ans plus tard, le résultat. Jamais cette pratique, pourtant décriée, n’a été aussi présente ni aussi sélective. Seule une poignée d’individus a voix au chapitre, lorsqu’il s’agit des marchés publics. Sinon, comment expliquer que tous les appels d’offres, pour fournir le CSA, la SONIMEX et les boutiques Emel en denrées de première nécessité, reviennent toujours à un même groupe ? Pourquoi l’ENER ne sous-traite-t-il le marché des routes qu’à ce même groupe, devenu tentaculaire ? Pourquoi ce sont toujours les mêmes qui soumissionnent et gagnent les marchés lancés par l’Etat et les grandes entreprises ? Qu’on ne se cache surtout pas derrière son petit doigt, pour nous asséner que le trafic d’influence a toujours existé et que le « président des pauvres » n’y est pour rien. Argument éculé qui ne convainc plus personne.
Les grands chantiers se sont révélé de véritables éléphants blancs. L’agriculture, qui a englouti et continue à engloutir des milliards d’ouguiyas, n’a même pas été capable de produire une seule variété de riz de bonne qualité. N’en déplaise à son ministre qui chante, sur tous les toits, qu’elle fournit 70% des besoins du pays en riz, alors que, si l’Etat ne l’achetait pas pour le vendre, à perte, on n’en entendrait plus parler. Le fisc maintient une pression telle que des dizaines de sociétés ont mis la clé sous la porte. Les délestages d’électricité sont tellement longs et fréquents qu’on ne sait plus à quoi servent toutes ces centrales achetées à prix d’or, si ce n’est à distribuer des commissions. Le secteur minier est à l’agonie. La SNIM éprouve tous les difficultés du monde, avec la baisse des prix du fer, et Tasiast a renvoyé, aux calendes grecques, son projet d’extension de la mine d’or. Sans compter le boulet que constituera la condamnation de l’Etat, par le CERDI, dans l’affaire BUMI, injustement délesté de son permis de recherche dans l’Inchiri. Ne parlons pas de l’Education et de la Santé, morts et enterrés depuis lurette.
Bref, la barque fuit de partout. Croit-on colmater les brèches en organisant de somptueuses messes d’autocongratulations et d’applaudissements à tout rompre, aux quatre coins du pays ? Sinon duper qui ? Et combien de temps encore ? Mais si l’on appelait à l’aide les charpentiers, de quels bidouilleurs familialement haut perchés l’appel d’offres se ferait-il l’apôtre ? Certains ne se préoccupent donc plus que de se préparer des bouées de sauvetage, variablement garnies. Quant à nous, mauritaniens lambda, il va falloir songer sérieusement à apprendre à nager. Sans tarder.
Ahmed Ould Cheikh