« Sensibiliser et favoriser la compréhension de la véritable nature du problème des drogues, dans la région ouest-africaine, et sensibiliser, également, les décideurs aux problèmes auxquels les consommateurs de drogues, responsables de l'application des lois et politiciens font face », tels étaient les objectifs assignés à un atelier sur les politiques en matière de drogues, qui s'est tenu à Accra (Ghana). Ce forum, soutenu par l’USAID et organisé par l’Initiative de la société ouverte pour l’Afrique de l’Ouest (WACSI) et la Fondation Kofi Annan (KAF), en collaboration avec la Commission ouest-africaine de drogues (WACD) et le Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC), a regroupé une cinquantaine de journalistes et acteurs de la société civile ouest-africains.
Les organisateurs reconnaissent l’échec des systèmes de contrôle dans le Monde. « La demande en fourniture de drogue ne fait que croître. Le fléau prend une ampleur effrayante, mettant à genoux le développement durable », peste Jamie Bridge, de l’IDPC. « Un véritable problème de santé publique. Malgré les nombreuses actions en la matière, le trafic et la consommation ont la peau dure sur le continent africain. Dans cette lutte, les media ont un rôle très important, peut-être décisif ; en tout cas, critique. Notamment via des articles de sensibilisations et/ou d’interpellation des politiques ».
En 2013, on dénombrait, en Afrique de l’Ouest, 1,5 million de consommateurs de stupéfiants. « La plupart, « généralement innocents », selon Jamie, ont absolument besoin d’aide, pour sortir de ce monde vicieux. « Les incarcérer n’est nullement une solution », souligne l’expert. Si un gramme de cocaïne coûte environ 2000 FCFA en Afrique, en Europe il est acheté à plus de 40 000. Des chiffres qui montrent combien le commerce est très florissant. Alors que « l’Afrique de l’Ouest, hier encore juste zone de transit, est devenue zone de production et de consommation. Avec tout le lourd tribut payé par les jeunes », alarme Jamie Bridge.
Madame Nana Asantewa Afadzinu, directrice exécutive de WACSI juge particulièrement pertinente la tenue de cette rencontre. « Oui », assène-t-elle, « les médias ont un rôle important à jouer. Elles plantent le décor d’une attitude plus attentionnée. Au lieu de criminaliser, il est nécessaire de privilégier le traitement, l’éducation et le soutien au changement de méthodes. Les media doivent être ainsi à l’avant-garde de ce combat, en incitant les États à formuler des politiques de promotion », souligne-t-elle. La question des stupéfiants ne doit plus être un tabou. « Au lieu d’aider les accros de la drogue, on les jette en prison, après avoir aveuglement appliqué les lois ». Résultat : ils s’y endurcissent. Il y a donc nécessité de contribuer à changer la donne et/ou à engager une coopération entre les Etats et la société civile.
Le forum d’Accra s'est tenu dans un contexte marqué par un net recul des guerres civiles en Afrique de l’Ouest. La démocratie s’est renforcée, les économies sont en pleine croissance. Cependant, toute une série de nouvelles menaces est en train de compromettre ce progrès : des complicités, au niveau local, avec des cartels internationaux, portent atteinte à divers pays et communautés, y ravageant des vies. Les problèmes liés aux drogues sont évidents dans tous les milieux. Compte tenu de ces défis, la Commission a formulé des recommandations qui appellent les gouvernements des États ouest-africains à traiter l’usage de drogues comme un problème de santé publique ; investir, en conséquence, dans des services de santé basés sur des preuves et reformuler en ce sens les lois et les politiques antidrogues, en décriminalisant, notamment, les délits mineurs non-violents.
Thiam Mamadou