Crise au sein du parti El Moustaqbel : La main du pouvoir ?

9 July, 2014 - 04:35

Le jeune parti El Moustaqbel est-il en train de vivre une crise d’adolescence ? La question mérite d’être posée, au vu de la passe d’armes que les protagonistes ont engagée, depuis quelques jours. Le feu couvait depuis quelques mois. Il s’est déclaré, lors de la conférence de presse que le président du parti, Mohamed Ould Borboss, a tenue, le lundi 30 juin, à l’hôtel Khater, pour dénoncer les agissements de certains membres qui « remettent en cause », affirme-t-il, « nos fondamentaux. Ils sapent, par leurs actions, les rangs du parti et le font dévier de son chemin ». Ould Borboss tentait, donc, de reprendre la main, sans manquer de la tendre au pouvoir en place, pour dialoguer avec lui.

La guerre est désormais ouverte. Réplique immédiate des autres responsables du parti qui convoquent une conférence de presse dans la même journée, pour livrer leur version des faits. Un véritable réquisitoire est prononcé par les deux vice-présidents du parti. Ould Borboss est accusé de « connivences » avec le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz et d’avoir tenté de « vendre le parti au pouvoir, sans  l’aval du bureau exécutif ». Pour étayer leur argumentaire, Diop Baba Madia et Moctar Ould Sidi Maouloud indiquent que le président Borboss a noué, dans  son cheminement vers la majorité présidentielle, des « contacts, par intermédiaires occultes », avec le pouvoir, avant de rencontrer les hommes d’affaires chargés de le démarcher, à Marrakech. L’affaire sera posée sur la table du bureau exécutif, à son retour du Maroc quand il a déclaré, après quelque cinq mois de « boycott » des activités du parti, son refus de participer aux marches du FNDU, tant à Nouakchott qu’à Nouadhibou.Il reconnaît avoir aussi rencontré Sid’Ahmed Ould Raïs, gouverneur de la BCM, qui lui a accordé un traitement mensuel de quatre cent mille ouguiyas, pour « régulariser », dit-il, « ses arriérés, quand il était ministre ». Toujours lors des débats au sein du parti, Ould Borboss est accusé d’avoir suggéré, à ses amis, la nécessité de rejoindre la majorité présidentielle. « Refus catégorique lui a été opposé », affirment les vice-présidents de Moustaqbel, qui lui auraient proposé, en retour, « un retrait volontaire du parti, en attendant le prochain congrès, ce qu’il a refusé ». Face alors, à son « entêtement, le bureau exécutif a décidé, à l’unanimité, de le suspendre, conformément aux textes de base du parti », indiquent Ould Sidi Maouloud et Diop. Les deux vice-présidents ont fait remarquer à la presse qu’Ould Borboss est mis en minorité, « il n’est parti qu’avec trois personnes », tous les responsables provisoires du parti sont restés loyaux. « Désormais », précisent-ils, « Mohamed Ould Borboss n’engage plus le parti Moustaqbel ».

 

Ould Borboss : « Je reste le seul garant de Moustaqbel »

Quelques jours plus tard, Mohamed Ould Borboss revient à la charge. Dans un appel publié dans la presse, il réaffirme qu’il reste président de Moustaqbel, son garant et son porte-parole, et qu’il se battra avec énergie, contre ceux qui veulent l’abattre politiquement. Cette sortie intervient après son dépôt au ministère de l’Intérieur, d’une opposition pour toute manifestation du parti engagée sans son aval. Il a également porté l’affaire devant la justice. Jusqu’où iront-les protagonistes ? El Moustaqbel survivra-t-il aux divergences en son sein, comme l’ont affirmé les vice-présidents du parti, lors de leur conférence de presse ? Ould Borboss se targue de rester seul maître du bateau, tandis que ses anciens amis affirment qu’à l’exception de trois personnes, le reste des militants et sympathisants du parti  n’a pas bougé d’un iota.

Dans une nouvelle conférence de presse que le président Borboss a organisée, dimanche 6 juillet, à son nouveau siège à El Mina, où il officie désormais, il a déclaré avoir été surpris de l’organisation, par ses adversaires, d’un congrès extraordinaire du parti, au matin de ce même jour. Pour le président de Moustaqbel, flanqué de son avocat, Bilal Ould Dick, ses adversaires foulent aux pieds les textes du parti ou les méconnaissent, tout simplement. « Comment convoquer un militant suspendu, fut-il le président dudit parti, à un congrès extraordinaire ? », s’étonne-t-il, « Ce congrès extraordinaire est nul et non avenu, parce que le différend opposant les deux camps est pendant devant la justice qui doit se prononcer, le lundi 7 juillet ». Par rapport au congrès convoqué le matin, Ould Dick déclare avoir enclenché, sitôt informé, une procédure conduisant à la suspension de ses activités. L’avocat affirme qu’il usera de tous les voies de recours, pour que Moustaqbel retrouve son fonctionnement normal. Au cours de cette conférence de presse, Ould Borboss a répété qu’il continuait à tendre la main à Ould Abdel Aziz ; a même révélé qu’il a reçu des signaux favorables du côté du pouvoir et que d’ici peu, les choses se clarifieront. Une chose est en tout cas certaine : le torchon brûle entre les deux camps.

 

Le torchon brûle

Le syndrome des divisions gangrène les partis politiques d’opposition, en Mauritanie comme ailleurs. Aux querelles d’ego, viennent souvent s’ajouter les travaux de sape du pouvoir. La menace pèse fortement sur Moustaqbel. Si l’on en croit les accusations formulées par les amis d’Ould Borboss, le pouvoir a tenté de « récupérer » ce jeune parti, en tenant langue avec son président. S’il rejette les « allégations » de ses adversaires, Ould Borboss reconnaît cependant avoir été approché par un homme d’affaires de nationalité mauritanienne qui lui a fait la proposition de servir d’intermédiaire, entre lui et les hommes d’affaires proches du pouvoir. « Je n’ai pas accepté la proposition mais j’ai demandé à prendre l’avis de mon parti qui a demandé à être relancé après les élections, ce qui n’a pas été fait. » La « manœuvre » n’a pas réussi, pour le moment ; grâce, disent les vice-présidents, à l’opposition, farouche, de la majorité des militants et sympathisants du parti. Ce qui ne met cependant pas à l’abri cette jeune formation qui risque de connaître une scission, avec, bien évidemment, la bénédiction du pouvoir qui ne semble pas porter Samory Ould Bèye dans son cœur, pour son activité syndical mais, aussi et surtout, son militantisme, dans la question haratine. L’homme, qui semble avoir repris la direction d’El Hor, s’est beaucoup investi pour la réussite de la marche des Haratines et  celles du FNDU. Il reste à voir si la justice va confirmer la suspension des activités du congrès extraordinaire convoqué par les amis de Samory Ould Bèye. Ould Borboss aurait alors remporté une manche. Mais la partie n’en suivra pas moins son cours mouvementé. Affaire à suivre.

Dalay Lam

 

Encadré :

Ould Borboss exclu du parti

La crise, au sein de Moustaqbel, a atteint son paroxysme dimanche matin, avec l’exclusion du parti, décrétée en congrès extraordinaire, du président Mohamed ould Borboss, après sa suspension, il y a quelques jours, par le bureau exécutif. Les quatre-vingt-quatre congressistes présents à la Case, sur les cent-vingt-deux convoqués, en ont ainsi décidé. A l’unanimité, selon une source du parti. Clôture du feuilleton qu’Ould Borboss et ses adversaires ont engagé tout dernièrement ? Le bureau exécutif  de Moustaqbel fonde sa décision sur des accusations de « corruption et de traîtrise », formulées contre Ould Borboss, suspecté d’avoir également flirté, sans mandat du parti, avec le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz. Des « allégations » rejetées par l’intéressé qui accuse ses « amis de l’autre bord » de « saper les rangs du parti et de le dévier de ses objectifs, au profit d’une seule personne. »

Pour le président exclu et son avocat, la décision du congrès est de « nul effet », dans la mesure où le différend, entre les deux camps, était pendant devant une chambre civile de Nouakchott. Mieux, « une ordonnance de la Chambre civile de Nouakchott a suspendu les activités de ce congrès », en attendant l’audience de ce lundi 7 juillet 2014, a affirmé, Bilal Ould Dick, l’avocat du président  Borboss et du parti Moustaqbel , au cours d’un point de presse, tenu dimanche en début d’après-midi, à Levrah Ami, au nouveau siège de Moustaqbel que s’est donné Ould Borboss. Celui-ci s’est dit « surpris » par la précipitation de ses adversaires qui devaient attendre le jugement de justice de ce lundi. Faute de cela, Ould Borboss prétend  rester le président et porte-parole de Moustaqbel.