Le président Mohamed ould Abdel Aziz a entrepris une tournée au Brakna, du jeudi 28 Mai au lundi 1er Juin 2015. Durant cinq jours, il a visité, avec un groupe de ministres et de conseillers, de fond en comble la wilaya. Passant la journée ici et la nuit, comme dans les contes de nos grands-mères. Et, comme dans toutes les régions déjà visitées, le Brakna a mobilisé son monde : Citoyens ordinaires et cadres. Officiellement, c’est toujours le Président qui voudrait s’enquérir, par lui-même, de la situation des populations et constater, sur le terrain, l’avancement des projets en cours d’exécution. Accueils populaires carnavalesques. Visites d’écoles et de structures de santé, réunions avec les cadres ressortissants de la région. A part les soirées artistiques, Ould Abdel Aziz fait exactement comme ses prédécesseurs. Le Trésor public débloque, à chaque visitation, une enveloppe de plusieurs dizaines, voire centaines de millions. Les administrations locales reçoivent les contributions (diverses) des cadres des départements, arrondissements ou campements concernés. Des mises en scène, organisées avec la complicité des responsables, formels et informels, masquent la réalité des populations, impitoyablement manipulées pour ne montrer que leur « côté gras » au Président, contre quelques petites promesses aléatoires, souvent pas tenues du tout. Retour sur les coulisses d’une visitation ordinaire au Brakna.
Divergences à Aleg
Comme toujours, les cadres de la ville d’Aleg ne sont pas sur la même ligne. Pour bien préparer la visite, chacun est allé de son côté. Histoire de montrer, au patron, qu’il est populaire chez lui, le jeune maire Mohamed ould Soueïdatt, a fait tout pour embellir sa ville. Le conseiller du Premier ministre, Sidamine ould Ahmed Challa, dont la maison est bien placée, voulait bien se faire voir. Les cousins Mohamed ould Diahloul (fédéral UPR au Brakna) et Sidi ould Youma (ancien comptable de l’ambassade de Dakar) étaient bien là. La coordination de Dechra, galvanisée par l’ancien directeur de l’audit, Abass Sow, était aussi au rendez-vous. Les anciens, Cheikh Sid’El Moktar ould Cheikh Abdallahi et Mohamed Mahmoud ould Agrabatt, respectivement ancien gouverneur-adjoint de la Banque centrale et maire de Nouakchott, ont répondu à l’appel de la région, pour accueillir le tombeur de leur proche cousin. Contre tous, le puissant (en termes de moyens) administrateur directeur général de la SNIM, Mohamed Abdallahi ould Oudaa, a fortement mobilisé, avec son initiative « Ewvi’ya (fidèles à) Aziz », via soirées artistiques de sensibilisation et convois de voitures. Le tout sur fond de divergences, pour asseoir un leadership politique dans une ville acquise, à 90%, à l’Union Pour la République dont le président a tenu à faire le déplacement pour recevoir son « bienfaiteur » à toutes les étapes de la visite.
IRA ravit la vedette
Les militants de l’Initiative de Résurgence Abolitionniste (IRA) ont brillé à Aleg. La stratégie des amis de Birame ould Dah a bien marché. Au moins deux jours avant la visite, ils ont commencé à affluer à Aleg. Par groupe de deux à trois. Discrètement. Le jour de l’arrivée de Mohamed ould Abdel Aziz, ils ont investi très tôt les lieux, avec les photos de celui-ci bien en vue. Mais, sous leurs habits et bientôt à la place des autres, les photos de leur véritable président, à eux, Birame ould Dah ould Abeïd. Administration et forces de l’ordre complètement déroutées. Pendant au moins cinq minutes, une dizaine de militants a entouré le Président, levant, sous son visage, les photos de Birame, réclamant sa libération et criant des slogans hostiles au pouvoir. Grosse colère d’Ould Abdel Aziz qui aurait, selon certains, proféré menaces et obscénités à l’encontre des militants déchaînés, avant de congédier la police pour ordonner, à son BASEP « national », d’entrer en action.
Le marathon du ministre des Finances
Pour assister, samedi 30 Mai, à l’étape de l’arrondissement de Dionaba dont il est ressortissant, le ministre des Finances Moktar ould Diay a dû accomplir un véritable marathon. Une « criminelle » mission à Abidjan l’avait déjà privé d’accueillir le Président à Aleg et à Magta Lahjar. Vendredi, il arrive à Dakar, en provenance de la capitale ivoirienne. Il prend l’avion vers dix-huit heures, pour regagner Nouakchott. Encore dans l’avion, il reçoit un appel et déclare, à son interlocuteur, qu’il continue directement sur Dionaba. Abidjan… Dakar… Dionaba… Pour recevoir le Président. Qui dit mieux ?
Slogans hostiles
Dans certaines localités, les populations ont scandé des slogans hostiles au Président et à son système. Après la manifestation d’IRA à Aleg, les gens de Wad Amour, une petite commune de la moughataa de Magta Lahjar, ont ainsi brandi des banderoles critiquant la médiocrité des services et appelant le chef de l’Etat à se soucier davantage des populations rurales. A Bababé, d’autres banderoles mentionnaient que les pauvres de Bababé étaient victimes de la marginalisation et de l’exclusion, de la part de la mairie. Au village de Dar Naïm, c’étaient des pancartes réclamant l’eau, le désenclavement, l’école et la santé.
Répression
A Magta Lahjar et à Boghé, les forces de l’ordre ont sévi sous la pression et la panique. Un militant de l’Union des Forces du Progrès (UFP), répondant au nom d’Ahmed Salem ould Abeïd, ancien premier conseiller de la mairie de Sangrava et membre du bureau national de l’UFP, a été ainsi sauvagement tabassé par les militaires. Le jeune Youssouf Bocoum a subi le même sort à Boghé. Il a été transporté d’urgence à Aleg. Le militant de l’UFP cherchait à remettre, au président de la République, une lettre des adwabas de Gawatt complètement démunis. Exactement comme Youssouf Bocoum, président du groupe « Y en a marre » de Boghé qui voulait, lui aussi selon ses proches, donner un document au Président.
Les divergences annulent Bocar
L’ancien ministre Ba Bocar Soulé n’aura, finalement, pas eu son escale à Bagodine. A cause des divergences avec ses adversaires politiques locaux, l’ex-maire UDP de Niabina, Sao Abdoulaye ; Ngam Hamadi et autre député Bâ Yéro Sidi, dit Bellou. Comme le Président n’a pas voulu faire de jaloux, il a, tout simplement, décidé d’annuler l’étape de Bagodine. Consolation, Mais envoyé, en guise de consolation, deux conseillers, dont Abdallahi ould Ahmed Damou, expliquer le contretemps au vieux lion de Bagodine qui n’a pas manqué de mobiliser, en retour, une quarantaine de voitures pour aller, en provocateur aguerri, faire démonstration de force à M’bagne.
Les chemises rouges de Boghé
Un groupe dénommé « Y en a marre » attendait, de pied ferme, le Président à Boghé pour lui dire tout leur mécontentement de leurs cadres. Ces jeunes arboraient des brassards rouges et rassemblaient des centaines de bidons vides. Ces « chemises rouges » version locale avaient, principalement, deux messages à faire passer. En un, que les cadres de leur ville ne valaient absolument rien et ne bougeaient que pour eux-mêmes. En deux, que l’eau de Boghé est dangereuse, à cause de sa forte teneur en calcaire. Mais les forces de l’ordre ont violemment réprimé le rassemblement, juste quelques heures avant l’arrivée du Président. Youssouf Bocoum, le chef du mouvement, a été si furieusement tabassé par les militaires que ses amis le croyaient mort.
Touche pas à mon ADG !
Au cours de la réunion des cadres organisée, jeudi soir, à Aleg, un intervenant, répondant au nom de Mohamed ould Bewa, n’a pas raté l’administrateur directeur général de la SNIM, le traitant de dictateur qui sévit, à Agchorguitt comme au sein de la société qu’il dirige, sans n’entendre d’autre avis que de sa « tête ». Dans sa réponse, le président Mohamed ould Abdel Aziz a précisé que l’ADG n’est qu’un fonctionnaire de l’Etat. Mais qu’à chaque fois que quelqu’un fait son travail, certains essaient de faire croire qu’il fait autre chose, en « y faisant rentrer les doigts ». Touche pas à mon ADG, quel beau slogan !
Vivement Diombar aux affaires
Au cours de la même réunion, deux intervenants du département de Bababé, dont le maire d’Aéré M’bar, Dieng Mamadou Abdoulaye, ont demandé, au Président, de rétablir l’ancien ministre des Finances aux affaires. Selon eux, l’homme constitue un bel exemple du cadre fédérateur de l’Etat, entre toutes les communautés nationales.
Cotisation
Pour accueillir le Président, certaines localités se sont cotisées. De dix millions, par exemple, à Sangrava. Ce sont, évidemment, les cadres et hommes d’affaires de cette petite ville qui ont donné le gros du magot. Le reste a été dispatché entre les autres, de façon à ce que chacun participe « concrètement » à recevoir l’hôte suprême.
Cadeau
Les gens de Cheggar ont offert un joli chameau harnaché au Président. Les parents du directeur général de la Sûreté nationale, le général Mohamed ould Megett, voulaient ainsi se distinguer des autres. Des dizaines de curieux et de troubadours ont entouré, un moment, le cadeau présidentiel avant que quelqu’un ne vienne le conduire on ne sait où. Pour servir d’étalon aux cent chamelles offertes en 2009 au président par un riche éleveur à Nbeiket Lehwach ?
Réssemblés par Sneiba