Saleh Ould Hanena Président du Parti HATEM, dans une interview exclusive : ‘’Nous avons une expérience assez longue des tentatives de dialogue avec l’actuel régime pour douter, et à juste raison, de ses intentions et de son sérieux’’

4 June, 2015 - 08:45

Le Calame : Votre Parti vient de tenir son IIème Congrès. Comment se porte-t-il aujourd’hui ?

Saleh Ould Hanena : le Parti HATEM se porte très bien. Le Congrès a démontré une fois de plus que les prétentions de nos adversaires sont infondées. Car l’implantation, la présence de plus de cinq cent (500) délégués venus de tous les coins de la Mauritanie et l’afflux massif des militants à la cérémonie d’ouverture en plus de nos honorables invités au congrès, qu’ils soient nationaux ou étrangers, en sont la preuve.

 

-Au cours de ces assises, vous avez demandé pardon aux mauritaniens pour avoir soutenu le coup d’état d’août 2008 contre SIDOCA. Pourquoi ce mea culpa aujourd’hui ?

-Je rappelle que cette demande de pardon ne date pas d’aujourd’hui car je l’avais demandé à Ouad Naga il y a plus de trois ans lors de la tournée organisée par les leaders de COD à l’époque. Ensuite cette position a été motivée par le fait que nous avions soutenu les autorités de l’époque suite à des engagements qu’elles ont prises ouvertement de lutter contre la gabegie et de se mettre au service des citoyens les plus démunis. Etant donné que ces principes sont les nôtres et nous avons toujours lutté pour les atteindre, nous nous sommes décidés, après de larges concertations internes, à soutenir ce régime. Après une année de cohabitation, nous avons constaté, comme beaucoup de mauritaniens honnêtes, que ce régime ne respecte pas ses engagements et nous avions décidé alors unilatéralement de rompre avec lui et de s’excuser auprès de nos concitoyens et de leur demander de nous pardonner cet acte.

 

-Pouvez-vous, en tant que parti de membre du FNDU, expliquer aux mauritaniens pourquoi le dialogue entre le pouvoir et l’opposition met autant de temps à avoir lieu ? Ce retard est la faute du pouvoir ou de l’opposition ?

 -Le dialogue entre le pouvoir et l’opposition est une pratique démocratique saine. Mais dans le cas de la Mauritanie, le pouvoir ne veut pas sérieusement qu’il y ait un tel dialogue. Il l’utilise, comme beaucoup d’autres méthodes, à des fins éphémères. Il veut faire comprendre à l’opinion publique nationale et internationale qu’il veut un dialogue et cela à chaque fois que des échéances électorales pointent  à l’horizon. La répétition d’un tel type de pratiques a entrainé un manque de confiance entre les deux parties. A notre avis, c’est le pouvoir qui entrave la tenue du dialogue.

 

-Dans ses deux dernières conférences de presse, le Président de la République a rejeté ce qu’il a qualifié de ‘préalables’ du FNDU. Irez-vous au dialogue sans l’acceptation de ces ‘mesures d’apaisement ‘ ?

-Nous avons une expérience assez longue des tentatives de dialogue avec l’actuel régime pour douter, et à juste raison, de ses intentions et de son sérieux. Les préalables nous semblent être les gages nécessaires pour faire renaître la confiance avec le pouvoir. Nous allons évaluer les résultats des contacts préliminaires et nous allons décider alors, et en fonction de ceux-ci, de participer à un tel dialogue ou pas.

 

-A votre avis, qu’est-ce que le Président de la République peut attendre du dialogue qu’il voudrait nouer avec l’opposition ?

-Le dialogue sert plus le pouvoir que l’opposition car le pays traverse une crise profonde et la pouvoir a intérêt à créer un climat de confiance et de stabilité.  Cette question doit être adressée au pouvoir.

 

La CAP dit qu’elle ne s’opposerait pas à des amendements constitutionnels portant sur la limitation des mandats présidentiels, à condition que l’ensemble des parties prenantes au dialogue aboutissent à un consensus. Qu’en pensez-vous au FNDU ?

-Nous sommes totalement contre tout amendement constitutionnel de quelque nature que ce soit et cela dans l’état actuel des choses.

 

-Le Président de la République entreprend une série de tournées à l’intérieur du pays depuis quelques temps. Dans ses conférences de presse, il en fait l’évaluation. Ne pensez-vous pas que pour que ces visites soient pertinentes, il faudrait que des mesures soit rapidement prises pour apporter des solutions aux problèmes des populations et que des sanctions soient prises suite aux manquements constatés dans l’avancement de certains projets et programmes, dans le fonctionnement de l’administration et de son démembrement à l’intérieur du pays ?

-Ces tournées sont une manifestation de la gabegie qui ronge l’Etat à tous les niveaux de sa hiérarchie. L’intérieur du pays souffre d’une année de très forte sécheresse qui menace la grande majorité de la population dans leur principale activité de subsistance à savoir l’élevage. Une telle visite doit avoir pour objectif d’apporter une solution à ces problèmes. Les sanctions et les récompenses se font aujourd’hui plus qu’auparavant sur des bases inappropriées. Les critères d’avancement dans les échelons de la haute sphère de l’Etat sont le régionalisme, le tribalisme, le népotisme, le clientélisme et tous les autres ‘’ismes’’.

 

Le manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Harratines a réussi une grande marche le 29 avril dernier. Pensez-vous que le pouvoir va continuer sa politique que certaines organisations de lutte contre l’esclavage qualifient de « fuite en avant » ?

-Cette fuite en avant est liée au manque de sérieux du pouvoir car malgré le danger de la marginalisation de certaines franges de la société sur le tissu social et la paix sociétale, il continue à nier ce danger et à prétendre mettre en place des ‘’solutions miraculeuses’’.

 

-On assiste depuis quelques années à la montée du discours « identitaire ou communautariste » que le pouvoir déclare vouloir combattre. Comment, à votre avis la Mauritanie en est arrivée là ? Quelle solution préconise HATEM ?

-A notre avis, ce discours identitaire ou communautariste a été encouragé par le pouvoir en créant ses responsables et en ignorant les vrais problèmes qui menacent le pays. Ce discours constitue un danger pour l’unité nationale et doit être combattu à travers l’égalité des chances et l’équité dans la répartition des ressources entre tous les citoyens.

 

Partout où il est passé, au cours de ses visites à l’intérieur du pays, le Président Aziz a été accueilli par le président de l’UPR. Quelle signification donnez-vous à la présence d’Ould Maham à ces accueils ?

-Ces visites sont des carnavals au cours desquels on note la présence de tous les membres de la mouvance présidentielle. Ce qui est sûr c’est que cela ne peut avoir lieu que sur incitation expresse du pouvoir afin de montrer que tous les mauritaniens le soutiennent. Mais ce qu’il oublie ou qu’il fait semblant d’oublier est que ces populations qui l’accueillent aujourd’hui ont accueilli d’autres de la même façon ou plus. Et comme le dit si bien le Père de la Nation Mokhtar Ould Daddah : « le Sidi qui est avec vous aujourd’hui était un jour avec nous ».

 

Propos recueillis par Dalay Lam