L’arbitraire, la bureaucratie, le gaspillage, le népotisme sont la maladie pernicieuse des peuples, sous-développés et particulièrement de ceux qui sont soumis au pouvoir absolu. Quand cette maladie atteint un pays, elle le submerge et finit par gangrener tout le corps social. Elle a été inoculée aux nôtres par Mohamed ould Abdel Aziz. La démocratie au lieu d’avancer, recula. Les droits de l’homme, la dignité du citoyen furent emportés par le vent…
Est-ce que la situation peut basculer et devenir incontrôlable ? La question interpelle tout le monde. On se la pose, en redoutant une réponse positive. Il est vrai que la Mauritanie vit au bord du précipice depuis trop longtemps. Chômage, insécurité, flambée des prix, corruption, faiblesse des services publics et de l’Etat, libertés menacées… face aux difficultés et aux craintes qui s’amoncellent, les Mauritaniens sont de plus en plus nombreux à exprimer dépit et colère. Il ne peut y avoir de vraies libertés et dignité sans les droits économiques. L’injustice dévore, comme une lèpre, tout le corps social. Quand un système politique échoue lamentablement, menant le pays aux pires difficultés, les dirigeants remplacent l’analyse objective par le bluff. Fiasco économique, fiasco social, fiasco politique, fiasco diplomatique. L’échec est total et dans tous les domaines, hélas ! A l’instar de la grenouille de la fable qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, la Mauritanie d’Ould Abdel Aziz se nourrit et s’enfle de bourrages de crâne et de slogans. Le mensonge finit par la tuer. Le pouvoir est effrayant parce qu’il est autodestructeur et, dans le cas d’Ould Abdel Aziz, c’est pathologique. Personne, dans son entourage, n’osait plus dire la vérité au Président. On connaît le mot de Louis XIV : « Quand on peut tout ce que l’on veut, il est difficile de vouloir ce que l’on doit ». Ministres, ils sont résignés à recevoir, du Cabinet du chef de l’Etat, l’essentiel des impulsions gouvernementales. Députés, ils obéissent, quand l’ordre leur est donné, et leur opinion change aussi souvent que change l’ordre. Ensuite et pour mieux asseoir sa mainmise politique, Ould Abdel Aziz choisit de redessiner les institutions du pays. Innovations tous azimuts, par la fondation d’une kyrielle d’organes au contenu indéterminé. Arrivée en masse d’hommes et de femmes au profil inconnu dans les ministères ou dans la fonction publique. Sabordage des repères, au plus haut de celle-ci. Mise à l’index de certains grands commis de l’Etat. Le général défroqué a apparemment cassé le socle sur lequel repose la République mais, aussi, son pouvoir. En gouvernant avec des béquilles (agences et conseillers aux pouvoirs indéfinis), il a fait perdre, à l’Administration, ce qu’il restait de son aura. L’armée, la police, la gendarmerie ont aussi subi cette « vengeance ». Bref, tout était mis en branle pour faire payer, à l’Etat, la loyauté des servants du régime tayaïste. Sous la coupe du régime qui a promu ses hommes, la police, et la gendarmerie ont éprouvé beaucoup de mal à convaincre de leur impartialité, dans le traitement des affaires. Deux Républiques en une, hélas ! Trois fois hélas ! L’une à genoux, sans repère, déçue, frustrée, voire trahie, et l’autre, véritable industrie de fabrication en série d’une nouvelle classe bourgeoise se payant villas de luxe et voitures rutilantes. Le renchérissement du coût de la vie, la faillite du système éducatif, les défaillances des secteurs de la santé et de la sécurité publique sont autant de maux dont souffrent, plus que jamais, les Mauritaniens. Hélas ! Trois fois hélas ! Les Mauritaniens sont fatigués. Je dirais même qu’aujourd’hui, ce sont des morts-vivants. Les fonctionnaires de l’Etat sont réduits à attendre, stoïquement, les fins de mois ; l’augmentation des salaires, une misère. Parce que la solde, ils n’ont plus occasion que de la « toucher » pour aussitôt la dépenser, jusqu’à la dernière ouguiya, hélas ! Encore que le salaire soit loin de couvrir les frais de nourriture, entre autres besoins essentiels. Voilà désormais le lot quotidien des fonctionnaires, hélas !
Paradoxes du « système Aziz »
Les Mauritaniens sont pressurés, jusqu’à la limite de l’humainement supportable. Comment en est on arrivé là ? Une des dimensions essentielles qui caractérisent le président Ould Abdel Aziz reste, sans doute, sa capacité extraordinaire à orchestrer et manœuvrer pour garder le fauteuil présidentiel. Transformée en ghetto de production de chômeurs, l’Université mauritanienne se retrouve en état de décrépitude morale et physique avancée, avec des équipements obsolètes, des effectifs pléthoriques, un personnel tant enseignant qu’administratif et technique à bout des sacrifices consentis, pour sauvegarder un minimum de niveau et de prestige intact. Dans le secteur de la santé, notamment l’accès aux soins, la protection maternelle et infantile, l’assistance aux personnes du troisième âge, le niveau des services a considérablement baissé, en raison d’infrastructures mal entretenues, insuffisantes, inégalement réparties et du manque de personnel. Les coûts d’accès deviennent insupportables pour les populations, obligées à se tourner, de plus en plus, vers la médecine traditionnelle. Le monde rural attend, depuis de longues années, un possible accès à des techniques éprouvées en Asie et en Europe, qui le libère, enfin, d’une dépendance paupérisant et humiliante. La lutte contre la grande pauvreté ne peut se réduire en une proclamation lancinante, lassante et démagogique, formulée sous le vocable inadéquat de la demande sociale. La pauvreté est générée par le double phénomène de l’abandon progressif des priorités sociales et par un gaspillage, de plus en plus accentué, des ressources de la communauté nationale, dans des opérations ou des programmes sans aucun lien avec les populations. Là réside une grave responsabilité de la puissance publique. Mohamed ould Abdel Aziz n’est pas un politicien, au sens classique du terme. Aujourd’hui, aucun homme seul ni aucun parti politique ne sauraient se vanter de pouvoir relever, de manière exclusive, tous les défis qui nous interpellent. Ce n’est qu’unis dans la diversité et dans le libre choix des programmes de redressement que les Mauritaniens parviendront à faire face à la situation. Il est plus qu’urgent qu’un forum centré sur les rapports entre éthique, politique et pouvoir se mette en place, entre le régime, la société civile et l’opposition. Le jour où les Mauritaniens et leurs dirigeants auront, ensemble, des destins croisés, le pays sera sauvé. L’Etat de droit celui du respect de tous les droits, porte l’espoir des Mauritaniens. Pourquoi ne pas le choisir ? Jamais, dans l’histoire de ce pays, les interrogations n’ont été aussi nombreuses sur tout ce qui touche à l’avenir et aux perspectives d’une nation qui, jusque-là, avait su faire face à toutes les incertitudes politiques, économiques et sociales , quels qu’en fussent les causes, les manifestations et les effets.
Au bord du précipice
Après tant de promesses non-tenues, tant de rendez-vous manqués, tant d’occasions ratées, les Mauritaniens en sont arrivés, hélas, à osciller devant l’impossible choix entre la résignation et la révolte. Jamais, sans doute, depuis 1960, le fossé ne fut aussi grand, entre ceux qui sont censés assurer la direction du pays et nos populations. Un pays en loques où l’opulence côtoie la misère et le désespoir, où les yeux hagards des enfants affamés, agglutinés aux feux rouges d’une capitale ensevelie sous les ordures, sont éblouis par les voitures rutilantes d’une classe dirigeante arrogante, incompétente et corrompue. Aujourd’hui, personne en Mauritanie n’a le droit de se taire, malgré les menaces et les provocations. La jeunesse de notre pays vit une situation endémique d’inquiétudes profondes. Les Mauritaniens réclament le droit, le droit souverain de jeter un regard sur la situation de leur pays, d’y rechercher et de trouver les solutions les plus convenables à leurs problèmes. La morale doit les y aider. L’éthique républicaine doit en garantir le droit. La violence verbale, la violence physique ou politique n’a jamais été un moyen de rapprocher les hommes, des idées. Elle n’est qu’un raccourci pauvre de contenu humaniste, à effet peu durable, destructeur. « La haine », disait le poète, « est la colère des faibles ». Et il a ajouté : « Ceux dont le cœur est plein de haine, ne peuvent diriger les hommes ». Il ne faut pas désespérer, parce que tout doit changer, parce que tout peut changer, et le changement est inéluctable. Trop, c’est trop. Il faut arrêter les dégâts.
Ecole publique en faillite continue
Que peut espérer réussir un Etat qui échoue dans l’éducation de ses enfants ?
Le développement passe, d’abord et avant tout, par un système éducatif performant. Or, sur ce plan, la faillite de l’Etat est patente. Il y a de quoi avoir des sueurs froides, à propos du système éducatif mauritanien qui ne cesse de tomber en décadence. L’éducation est pourtant un service public dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’Etat. Mais qu’est-ce que ce dernier à fait de l’héritage daddahien en la matière ? Hier adulée et enviée pour avoir produit un nombre important de ressources humaines de valeur, on peut se demander, aujourd’hui et à juste titre, ce qui peut encore motiver un parent à envoyer son fils à l’école publique. Celle-ci traverse une crise structurelle grave qui met à nu la faillite de l’Etat. Le préscolaire est assuré par le privé. Le manque de qualité a démesurément affaissé le niveau de l’enseignement. Le taux d’achèvement constitue un énorme problème. 78,51% des jeunes mauritaniens âgés de moins de 20 ans ont abandonné l’école avant de terminer le premier cycle de l’enseignement secondaire. Le nombre infime d’élèves qui ont la chance de décrocher le Bac, entrent, la plupart du temps, à l’Université mauritanienne, synonyme de garderie d’adultes, avec un taux d’échec, en première et deuxième année, qui dépasse les 80%. Et, pour les rescapés qui obtiennent leur licence, ils sont, banalement, confrontés au problème tant décrié de l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Ces problèmes souvent montrés du doigt n’ont que trop duré. L’école mauritanienne croule sous leur poids. Hélas ! Trois fois hélas ! Quelle misère !
En politique, faute se paie
La culture de l’éthique et du travail est la seule condition pour le développement durable de la Mauritanie. Les Mauritaniens doivent se déterminer à débusquer et à écarter, sans complaisance, au besoin à punir, sans faiblesse, ceux qui ruinent ce pays ou le desservent : les corrompus et les antinationaux, les roublards et les paresseux. Il faut cultiver l’honnêteté, le courage au travail et que chacun, à son poste, du ministre au planton, du chef d’entreprise au manœuvre, considère le destin de la nation comme reposant sur ses seules épaules. Pour que l’éthique règne, deux conditions : une justice forte et respectée, servie par des magistrats bien traités et indépendants et la réhabilitation de la fonction technique, au détriment de la fonction politique.
Ahmed Bezeïd ould Beyrouck
Je ne suis ni de l’opposition,
Ni de la majorité présidentielle,
Je suis ailleurs.
A bon entendeur, salut !