Année nationale de l’enseignement. Lors de ses visitations, le Président allait directement dans les classes. Pour s’informer.Du niveau des élèves. De celui des instituteurs et des professeurs. Avec, parfois, un petit peu de nostalgie, même. La craie à la main. Du un plus un. De moins en moins. De plus en plus. Jamais de division avec retenue. Surtout pas des équations. C’est si lointain, tout ça. L’école du Président. La bonne vieille école. Les « CMDéard » de l’époque sont les maîtrisards d’aujourd’hui. Les CP niébé d’antan et autres CP2 ou CM1 sont les licenciés et bacheliers de nos jours. Même les tableaux noirs d’avant ne sont plus comme ceux de nos actuelles classes. Monsieur, c’était quelque chose. Tout propre. Tout majestueux. Tout élégant. Sa blouse blanche. Son impeccable accoutrement. Sa magnifique coiffure. C’était le maître modèle à qui chaque élève voulait ressembler. Vivement les belles ardoises ! Les porte-plumes, les encriers, les buvards. Les cantines. Les corned-beefs. La cravache. Le par quatre. Quatre gaillards dehors. Les tables de multiplication. Les leçons à réciter par cœur. C’était le temps de la mnémotechnie. Le temps de la méthode La Martinière. Le temps des Fables. De la Mort du Loup. Des Alfred de Vigny et de Rudyard Kipling. Au cours du CM2, s’il vous plaît. Ce n’était pas une année de l’enseignement : c’était le temps de l’enseignement. De l’analyse grammaticale à l’analyse logique. De la dictée de contrôle à la rédaction. C’était le temps de Jean Auriol et du calcul quotidien. De Matin d’Afrique à Afrique Mon Afrique et d’Amis Lisons Ensemble à Ton Livre Mon enfant. Le temps où le Dioula et le locataire n’étaient un casse-tête ni pour le maitre ni pour les élèves. Justement, je vais vous raconter trois histoires de l’école d’aujourd’hui. « Belles » et éloquentes à la fois. Des histoires de 2015. Année de l’enseignement. Une institutrice, toute sérieuse devant son inspecteur, expliquait, à ses élèves, comment conjuguer un verbe du premier groupe au passé simple. Les « âmes » et les « âtes » incontournables des première et deuxième personnes du pluriel. Sans que cela ait une place en elle, elle disait, à ses élèves, un accent complexe. Ce n’était pas un lapsus, visiblement, puisque Madame l’a répété au moins quatre fois. Vraiment complexes, les accents circonflexes. Un autre instit a failli nouer la tête de son inspecteur qui ne savait plus quoi faire devant la conjugaison à la troisième personne du pluriel du verbe bondir au futur simple. Ils « bondisseront ». Pour un instituteur inscrit en troisième année de fac, c’est tout simplement grave et ça ne sert pas l’année 2015. L’année de l’enseignement. Une troisième, toute contente de devenir enseignante, puisqu’elle venait d’être admise au concours de l’Ecole normale des instituteurs, ne trouva pas plus belle phrase pour en informer son ancien professeur de français : « Monsieur, moi j’ai admi au l’ENI ». Et, tenez-vous bien, pour y enseigner le français à ceux qui veulent bien l’apprendre. L’enseignement en 2015. L’année de l’enseignement. Public. Privé. Une cuisine/classe. Ça existe. Une terminale de quatre-vingt à quatre-vingt-dix élèves. Ça existe. Un mouleur (spécialiste du dosage des briques) qui se transforme en directeur d’école. Ça existe. Un ex-gendarme redevenu instituteur. Ça existe. Le planton d’un célèbre journal de la place qui se transforme en patron d’école privée. Ça existe. Des garages/salles de classe. Ça existe. Des écoles/étables ou blanchisseries. Ce n’est pas à l’intérieur du pays. C’est à Nouakchott. Quelle année de l’enseignement ? 2015. Quoi pour cela ? Les visitations présidentielles aux classes d’infortune, quelque part vers Katawane, Aweïnatt Zbil et autres Hassi Ehl Ahmed Bechna, sinon aux environs de la commune d’Erawi, autrefois Menvga’a, que le président Maouiya Ould Sid‘Ahmed Taya eut tous les peines du monde à contenter. Le recrutement abusif des contractuels, pour remplacer les professionnels qui vont aller s’occuper de la dixième occupation. 2015. Enseignement. Année. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».