La marche du Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Harratines, prévue ce mercredi 29 Avril, intéresse, visiblement, la classe politique du pays. A des degrés divers, certes, tout le monde s’en dit concerné. Les uns appellent à soutenir et à marcher aux côtés des Harratines, parce que leurs revendications leur paraissent légitimes, tandis que, du côté du pouvoir, on semble plutôt se préoccuper de la forte mobilisation annoncée. Et tenter de la saborder. En recourant, une nouvelle fois, à la distribution de poissons, pour empêcher les familles éprouvée par la montée des prix et la précarité de la vie de répondre à l’appel citoyen ? Mais le poisson d’Avril est depuis longtemps passé.
La marche des Harratines est donc un appel citoyen. Les droits politiques, économiques et sociaux que cette importante frange de la population réclame est une préoccupation majeure des Mauritaniens. Seuls quelques nantis du « système » qui a pris en otage le pays, depuis son indépendance, défendent le contraire. Anomalie d’un système révolu dans la partie australe du continent. C’est à ce titre que cette marche des Harratines intéresse tous les mauritaniens patriotes et sincères, ceux qui disent non à la persistance de l’esclavage et de ses séquelles, non à un règlement et clôture unilatérale du douloureux passif humanitaires des années 86-91, non à une justice aux ordres de l’exécutif, non à l’iniquité dans la (re)distribution des richesses nationales, non à la discrimination dans les forces armées et de sécurité, non à des écoles réservées à une catégorie de Mauritaniens, non à un enrôlement discriminatoire, non à l’accaparement des terres dans la Vallée, non à la passation des marchés louches et complaisants… La liste pourrait s’allonger. La Mauritanie est un pays de paradoxes. Une république réputée islamique où l’on vole des chaussures dans les mosquées, où certains imams sont des auxiliaires du politique, se taisent sur les questions sociales brûlantes. Un pays où l’on gâche, vole et pille les biens publics. Un pays où la complaisance et le désordre sont érigés en règle. Un pays où l’on vote des lois pour ne pas les respecter. Un pays où l’intérêt personnel et de la tribu passent avant celui de la Nation. Un pays où les voleurs sont qualifiés de martyrs. Un pays où l’on refuse d’enregistrer des partis politiques, où l’on refuse, à l’opposition, un libre, sinon égal, accès aux media publics. Un pays où l’on disperse, violemment, de pauvres rapatriés du Sénégal venus réclamer les mêmes droits que réclament, aujourd’hui, les Harratines. Un pays où les autorités administratives distribuent, à coup de griffe, l’espace publics aux plus offrants ou plus nantis. Un pays où la gazra profite plus aux nantis qu’aux nécessiteux.
Voilà ce que les Harratines et tous les mauritaniens épris de paix et de justice entendent dénoncer, ce 29 Avril. C’est pourquoi tous les acteurs politiques de l’opposition et de la société civile ont sonné la mobilisation. Le FNDU, qui a appelé les Nouakchottois à prendre part à cette marche, trouve, là, un moyen de pression sur le pouvoir, à l’heure où les tractations en vue d’un dialogue politique traînent en longueur.
Il y a un an, avait lieu la première marche du Manifeste. Une marche qui refusa la surenchère, pour rester dans les limites de la légalité. On y avait vu beaucoup de visages de la République, même celle proche du pouvoir. Interrogés, plusieurs avaient déjà parlé de marche citoyenne. Et, certes, la Mauritanie a tout intérêt à ce qu’elle reste citoyenne. Pourvu que les pouvoirs publics écoutent et entendent le message que le Manifeste et ses soutiens vont délivrer !
Le gouvernement et les partis de la majorité y seront-ils représentés ? Mystère. Même questions pour l’IRA dont le président, actuellement en prison, avait boudé celle de l’an dernier, comme, du reste, le président de l’APP, Messaoud ould Boulkheïr, et celui d’El Wiam, Boydiel ould Houmeïd. Mais, à défaut de couler, en Mauritanie, sous les ponts, l’eau qui la borde n’est plus la même que l’an dernier. Et le pouvoir serait bien inspiré d’entendre qu’il ne s’agit pas d’un simple marigot : c’est bel et bien l’Océan qui frappe à ses portes…
DL