A quelques mois du pèlerinage 2015, les opérateurs (agences de voyage) savent déjà à quelle sauce ils seront mangés. Le ministère de l’Orientation islamique et des awqafs a, tout simplement, décidé d’en mettre out certains d’entre eux, via tout un train de mesures. « Une affaire à forte odeur de fric », croient savoir les potentielles victimes.
Histoire de « corriger les erreurs de l’an passé », le ministre des Affaires islamiques a présenté un texte au Conseil des ministres, sans informer sa collègue du Commerce et du tourisme. Une décision qui ressemble fort à « un arbre qui cache la forêt », dénonce un opérateur de la place. « Le ministre cherche plutôt », prétend celui-là, « à profiter de l’argent que brasse le Haj. Il a réussi à se faire des « courtiers », au sein de la corporation, et sort, pour maquiller l’opération, des mesures coercitives ». De fait et comme partout, en Mauritanie, il existe des « agences de voyage cartables ». Il n’y a pas que des ONG de même qualification, pour se faire de l’argent… même sur le dos de ceux qui désirent accomplir le cinquième pilier de l’islam.
Quoiqu’il en soit, le ministre des Affaires islamiques a donc décidé, pour le pèlerinage 2015, de « partager » ou, disons plus exactement, « confier » l’enregistrement des pèlerins à l’Agence Nationale du Registre de la Population et des Titres Sécurisés (ANRPTS), cette fameuse agence qui ne s’est pas suffi des millions voire des milliards que lui rapportent l’enrôlement et les cartes de séjour, fourrant son nez partout où se dégage la moindre odeur d’argent, pourtant réputé ne pas en avoir.
L’octroi d’un quota de pèlerins est conditionné par la détention d’un « badge de Haj », délivré par les autorités saoudiennes. Chaque badge rapportant deux points au propriétaire d’une agence de voyages, si, bien entendu, celui-ci est établi en son nom propre. Plus vous avez de points, plus important sera votre quota de pèlerins, même si vous n’avez ni siège social ni la moindre charge fixe à payer. Et, comme nos hommes d’affaires, nos courtiers sont très habiles : ils ont réussi à se procurer plusieurs badges, ce qui leur ouvre le sésame mais… « profite aussi au ministre », grincent certains opérateurs.
Le résultat de cette subtile manœuvre permet, à celui-ci, de mettre hors de course plusieurs pros de la place, connus pour leur expérience et leur crédibilité. L’an dernier, il faut le rappeler, nombre de Mauritaniens n’avaient pu se rendre sur les Lieux Saints, parce que les agences qui en avaient hérités n’avaient, tout simplement, aucune expérience, incapables qu’elles étaient de remplir les conditions de voyage et d’hébergement. Certaines sont tout aussi incapables, aujourd’hui, de prendre des engagements vis-à-vis des clients qui viennent solliciter des réservations. Mais pour une raison tout-à-fait autre : se retrouveront-ils avec un quota suffisant pour contracter avec les compagnies aériennes et les hôteliers saoudiens ?
Le ministère des Affaires islamiques a également fondé une direction du Haj et de l’Oumra. Une décision qui vise, semble-t-il encore, à « maquiller » l’entreprise de la tutelle qui s’accaparerait de plus de la moitié des pèlerins de 2015, ne laissant, aux opérateurs, que mille candidats au Haj. Le ministre a déclaré, lors d’un commentaire des résultats du Conseil hebdomadaire des ministres, que 2 692 mauritaniens effectueront le Haj cette année, sous la supervision d’une commission nationale, sous-traitant, aux opérateurs de son choix, les questions d’intendance (voyage et hébergement). Cela ne se passe dans aucun autre pays et l’alibi de « corriger les erreurs constatées l’an dernier » ne tient guère la route. Allez savoir qui fut responsable des déconvenues que connurent, entre la mosquée Ibn Abass de Nouakchott et les Lieux Saints, tant de candidats au Haj ? Pourquoi le ministre des Affaires islamiques fut-il pris au cou par un pèlerin qui l’accusait d’avoir pris leur argent sans les mettre dans les conditions optimales ? Bref, on ne sait trop quoi dire à ceux qui voient, en ces dispositions réputées salutaires, une nouvelle atteinte à la crédibilité de notre pays. Sinon que le Haj semble, lui aussi, devenu une affaire de gros sous où la compétence n’est pas forcément – tant s’en faut, hélas – le critère décisif de l’enrichissement… A vérifier… au retour des pèlerins.
Ben Abdella