Paul, le Breton, tire les leçons de son voyage chez les Soninké

28 April, 2015 - 23:48

Mon séjour en Mauritanie en été 2014, dans le village de Toulel au sud du pays, n’a fait que davantage raviver ma curiosité de connaître et de comprendre la société soninké. Depuis mon retour en France, je n’ai de cesse de rencontrer, dans les foyers de travailleurs immigrés soninké en région parisienne et dans d’autres endroits, des personnes compétentes et bien ancrées dans l’histoire de la communauté soninké qui m’ont permis sans l’ombre d’un doute d’enrichir ma vision et ma connaissance de cette communauté dans un monde unipolaire en perpétuel changement. Lors de ces rencontres, plusieurs propositions de visite en milieu soninké, dans les pays d’’origine de mes interlocuteurs, m’ont été proposées. Mon retour en Afrique, en milieu soninké profond, ai-je répondu, est tout à fait possible dans les années à venir. 

Depuis mon retour de la Mauritanie, il est vrai, comprendre la société soninké en profondeur est devenu pour moi comme une obsession, une raison d’être qui, désormais, depuis ma première discussion avec M. Soumaré dans Un Breton chez les Soninké, ne cesse de hanter mes nuits, mes discussions avec des amis et tout mon temps libre ! Ce voyage en Afrique m’a ouvert les yeux sur une communauté si riche en cultures et traditions dans un continent menacé par une mondialisation inquiétante. Depuis lors, je ne cesse de me documenter, de lire tout ce qui tombe entre mes mains sur les Soninké qui, dans un monde unifié, s’interrogent sur leurs valeurs et leurs traditions. Le constat pour moi est sans appel : Les Soninké vivent une crise identitaire dans ce XXI siècle où à cause de la mondialisation diabolique relayée par les médias sans scrupule les minorités culturelles se diluent dans un océan de Culture Universelle qui ne laisse pas de place aux identités individuelles et minoritaires. J’ai conscience de cela, hélas ! Les Soninké ne vivent pas en dehors du monde dans une sorte de no man’s land ! Mais leur vision de ce monde semble avoir  du mal à s’intégrer logiquement dans la course du Temps ! Plusieurs interrogations restent sans réponses ! Certaines questions, déjà abordées dans Un Breton chez les Soninké, qui raconte mon séjour en Mauritanie, n’ont pas à ce jour trouvé des réponses satisfaisantes à mes yeux ! Pour les Soninké eux-mêmes, ces questions sont loin de trouver des solutions efficaces ! En témoigne l’émission que M. Soumaré Zakaria a faite sur la radio Soninkara.com au mois de décembre 2014, juste deux mois après la publication de Un Breton chez les Soninké. L’émission portait d’ailleurs sur ce livre et les questions qu’on y aborde : Mariage, deuil, hiérarchisation sociale, immigration, éducation… Les différentes interventions durant l’émission ont montré que la communauté soninké traverse une étape cruciale de son histoire qui exige de faire une pause afin de mettre sur la table les questions qui fâchent, les obstacles constituant un blocage pour son avancée. Cette pause si nécessaire, comme M. Soumaré l’a recommandé dans son émission et dans son livre où je suis le personnage principal, implique un débat de fond dépassionné. Un débat où chaque membre de la communauté soninké accepte d’apporter sa contribution sans, au préalable, se cramponner sur des considérations sociohistoriques qui avivent les tensions. C’est la seule condition préalable à ce débat ! Un débat suppose que l’on s’écoute, que l’on s’accepte dans nos différences d’opinion. Or c’est cela qui fait grand défaut aujourd’hui chez les Soninké ! Beaucoup de jeunes intellectuels de la nouvelle génération surtout protestent depuis plus d’une décennie contre l’organisation sociale hiérarchique en vigueur en milieu soninké depuis l’Empire de Wagadu. Cela est une bonne chose ! Mais les méthodes parfois utilisées sont à revoir ! On ne peut pas combattre un fait social, si têtu soit-il, sans exiger et accepter au départ un débat de fond, sans aborder frontalement les questions qui fâchent. Ce débat est la clé permettant de dépassionner les opinions et permettre de trouver une solution concrète et on ne peut plus fiable à la crise de la société. Le chemin est long, certes. Mais ne perdons pas espoir, il en va de l’intérêt de cette communauté ! 

Par SOUMARE Zakaria

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