Rides et crevasses

22 April, 2015 - 01:08

Après les deux Hodhs et le Tiris Zemmour, Ould Abdel Aziz a entamé, lundi, une nouvelle visite en Assaba et au Gorgol. Si la visite à Zouérate, une ville ouvrière plus ou moins détribalisée, a été surtout marquée par le conflit social à la SNIM, qui vient de connaitre son épilogue, après une grève de plus de deux mois, celles des Hodhs, de l’Assaba et, dans une moindre mesure, du Gorgol ont été (ou seront) placées sous le signe de la tribu. Cette entité abstraite, réputée antinomique avec la notion d’Etat, est en train de faire un retour en force. Pas plus tard que le week-end dernier à Kiffa, les media rapportaient un meeting de telle tribu, un défilé de telle autre, un rassemblement présidé par tel chef, sans que les autorités ne lèvent le petit doigt. Pire, les emplacements de chaque entité sont désormais connus, dans la longue procession de ceux qui auront l’honneur de toucher l’auguste main présidentielle. Et personne ne semble s’offusquer d’une situation qui risque d’avoir des conséquences désastreuses, si l’on n’y prend garde. Il est, en effet, prouvé que le communautarisme, qui connaît, lui aussi, une flambée sans précédent, et le tribalisme sont les mamelles de l’ethnicisme, du racisme et du rejet de l’autre. Au moment où tous les efforts devraient s’orienter vers la consolidation de l’Etat/Nation, loin de tous les particularismes, voilà que nos gouvernants encouragent, ou, du moins, ne combattent pas des archaïsmes qui ne devraient plus avoir cours au 21ème siècle. En ont-ils d’ailleurs l’intention ?

Depuis ses premiers discours où il était monté sur ses grands chevaux, pour dénoncer le tribalisme et la gabegie, notre guide éclairé a mis beaucoup d’eau dans son zrig. Les chefs de tribus sont, désormais, reçus à bras ouverts, au palais gris et les réunions de tribus, plus que tolérées. Ould Abdel Aziz cherchait des voix et qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Le malheur, dans cette situation, est que la jeunesse, qui doit être à l’avant-garde du combat pour un pays égalitaire, est en train de se fondre dans le même moule de ceux qui l’ont précédée. Ceux qui, abreuvés à la culture du Parti du Peuple, des Structures d’éducation des masses, du PRDS, d’Adil et de l’UPR, freinent, des quatre fers, pour le maintien d’un statu quo leur garantissant des privilèges indus. « Les années rident la peau, la perte d’idéal ride l’âme », disait le général Mac Arthur. De quel idéal sont porteuses nos tribus ? Admettons que chacune en fut, naguère, porteuse d’un, spécifique. Qui s’en souvient ? Et, surtout, qui est prêt à en construire un plus grand, national, en respect et considération de tous ? C’est quand il ne reste plus que des intérêts que s’ouvrent les crevasses des conflits …

Ahmed Ould Cheikh