Macky Sall,le président du Sénégal, a évoqué plusieurs questions d’intérêt national et international, au cours d’une conférence de presse marathon (plus de deux heures d’horloge) devant les caméras de trois media triés sur le volet, Radio Télévision du Sénégal (RTS-publique), Groupe Futurs Médias (GFM) et D-Médias, au cours de la soirée du jeudi 16 Avril. Cadre choisi : un conseil des ministres décentralisé dans la région de Kaffrine (centre du pays), une des toutes dernières nées de la République. Un exercice de com en forme de randonnée médiatique, « réussi » selon l’avis de nombreux observateurs. Même si le bilan économique et social du premier président du Sénégal né après l’indépendance fait encore l’objet d’appréciations divergentes au pays de la Téranga.
Longuement cuisiné sur tout, suivant un procédé digne des démocraties majeures, le chef de l’Etat sénégalais a répondu calmement. Une attitude qui a prévalu face au tir nourri des questions des journalistes : sur le Plan Sénégal Emergent (PSE), la transhumance, la perspective d’une grâce présidentielle en faveur de Karim Wade, condamné à une peine de six ans de prison ferme ; l’interminable conflit en Casamance, certes en accalmie depuis 2012 mais avec un processus de paix toujours sur chantier glissant, à cause de la multiplicité des interlocuteurs ; ou, encore, les relations parfois difficiles avec la Gambie, « cet ulcère au cœur du Sénégal », pour cloner la formule du journaliste et politicologue Babacar Justin N’Diaye ; jusqu’au probable envoi d’un contingent « pour défendre la sécurité » de l’Arabie Saoudite…
Optimisme, prudence et appel du pied
Le PSE ? « Il est en bonne voie, avec des fonds disponibles et un niveau de décaissements à plus de 30%, dès la première année d’une mise en œuvre étalée sur cinq ans ». La promesse électorale de réduction de sept à cinq ans du mandat du président de la République, avec effet rétroactif ? Le président Sall entend respecter son engagement mais laisse, aux constitutionnalistes, le soin d’en déterminer les modalités juridiques de mise en œuvre (à travers, certainement l’organisation d’un referendum). En attendant, il demande, à ses soutiens, de ranger ce débat au frigo et de se mettre au travail.
Parlant de l’affaire Karim Wade« ancien ministre du ciel et de la terre », fils du président Abdoulaye Wade, condamné, le 23 Mars dernier, à six ans de prison ferme pour « enrichissement illicite », le président sénégalais a fait preuve de prudence, en refusant de se prononcer sur une procédure encore pendante devant la justice, avec le pourvoi de la défense qui a attaqué l’arrêt de la très controversée Cour de Répression de l’Enregistrement Illicite (CREI). Répondant à une question sur la transhumance politique, une pratique fortement réprouvée par l’opinion sénégalaise, Macky Sall a réfuté le terme, renvoyant les « censeurs » à leurs chères études morales, avant de faire un appel du pied à tous ceux qui lorgnent vers « de nouvelles prairies ». La porte de l’Alliance Pour la République (APR), portée sur les cimes du pouvoir, un peu plus de trois ans après sa fondation, est « largement ouverte à tous » car la politique est un exercice incompatible avec la rancune, pour celui qui nourrit l’ambition de massifier la base de son parti. Cependant, les « nouveaux venus ne sont pas débauchés à coups de milliards » et n’auront aucune garantie d’échapper à la justice, dans le cas où ils traîneraient quelque casserole.
« Sécurisation » à l’intérieur des frontières saoudiennes ?
Interrogé sur l’éventualité de la participation de l’armée sénégalaise à l’opération « Tempête décisive » engagée, par l’Arabie Saoudite et ses alliés, pour combattre la rébellion chiite Houtie au Yémen, soutenue par l’Iran, le président Sall n’a pas donné de réponse ouverte mais affiche un engagement ferme aux côtés du royaume. « Le Sénégal étudie la possibilité de participer à une opération de sécurisation, à l’intérieur des frontières du royaume d’Arabie Saoudite ». Cependant, « aucune décision n’a encore été prise au sujet de l’envoi de troupes sénégalaises et, dans ce cas de figure, l’information sera donnée à temps. J’ai beaucoup échangé avec le roi Salman Ben Abdel Aziz sur des questions de paix et de sécurité. […] La déstabilisation du Yémen peut entraîner celle de toute la sous-région et même au-delà. […] L’opération d’envoi d’un contingent sénégalais dans ce cadre se ferait toutefois en dehors de la saisine de l’Assemblée nationale car elle n’équivaudrait pas une déclaration de guerre », a précisé le président Sall.
AS