Notre guide éclairé est parti, la semaine dernière, « se refaire une santé » en Saoudie. Pour les media officiels, jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit de dire du bien de ceux qui nous dirigent, de vanter telle ou telle action ou de magnifier un acte, c’était l’occasion rêvée de gloser (glousser ?), à l’infini, sur un accueil que « personne n’a jamais reçu » ; qui « confirme, si besoin est, l’excellence des relations qui ont toujours lié ces deux pays-frères ». Pourtant quelques jours auparavant, les présidents Macky Sall, du Sénégal, et Béchir, du Soudan, ont eu droit à des accueils similaires, au détail près.
Celui qui avait à peine serré la main de notre Aziz national, lors des funérailles du roi Abdallah, l’accueille, à présent, avec un large sourire, au bas de la passerelle de l’avion qu’il a dépêché lui-même à Nouakchott, pour les besoins du voyage. Pourquoi ce royal empressement ? Serions-nous devenus si importants, sur l’échiquier politique arabe et africain, pour faire l’objet de tant de sollicitudes ? L’Arabie saoudite a-t-elle besoin de notre soutien et/ou de nos soldats, dans sa guerre contre les chiites au Yémen ? En échange de quoi les énormes promesses de financement ont été faites ? Ne nous leurrons pas. Les Etats, dit-on, n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Il faudra donc s’attendre, au cours des prochains jours, à des décisions de grande importance. La rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, un pays que l’Arabie saoudite a toujours vu d’un (très) mauvais œil ? L’envoi de soldats mauritaniens au Yémen, une fois l’offensive terrestre lancée ?
Depuis que le parlement pakistanais a décidé de ne pas autoriser le déploiement de ses soldats, parce que les Lieux saints ne sont pas directement menacés et pour ne pas froisser l’Iran qui soutient les Houtistes au Yémen et lui assure la majeure, sinon la totalité, de son approvisionnement en gaz naturel, l’Arabie Saoudite multiplie les opérations de charme vis à vis de pays que l’odeur des pétrodollars pourrait allécher. Et, en l’occurrence, les difficultés budgétaires de l’année en cours ont probablement fort mis l’eau à la bouche de notre raïs… Suffisamment pour convenir, qu’en matière de chair à canon, la vie des soldats saoudiens est infiniment plus importante que celle des Nous-Z’autres, pauvres et sans ressources ? A moins qu’on ne se contente de cantonner nos troupes à la frontière avec le Yémen, pour éviter quelque intrusion houtiste. En bref, dîner avec le diable peut se révéler nécessaire, voire impératif. Mais quelle est la longueur de la cuillère d’Ould Abdel Aziz ? Les mamans de nos soldats s’interrogent…
Ahmed Ould Cheikh