Parmi les dernières saillies du gargantuesque bêtisier de Fox News, deux ont particulièrement attiré l’attention : les soi-disant « No-go zones », en France (1), et, summum de la contre-information, « le camp terroriste » de Maata Moulana, en Mauritanie (2). Si l’on y retrouve, bétonnées, les affinités de nature de la célèbre chaîne populiste avec les « néocons » – une appellation assez bizarre en ce que ceux-ci n’ont jamais cessé d’être ce qu’ils sont, depuis toujours et tenacement – ce n’est pas seulement le réglage de ces tympanesques buccins préélectoraux qui dérange. Certes, on comprend qu’il parût impératif, à ces si fins stratèges politiciens – mais si peu politiques, hélas ! – de frapper les esprits, formater leur clientèle aux slogans sécuritaires qui obnubileront la prochaine campagne présidentielle. Flash-back sur une marche à deux temps et, probablement, trois mouvements.
Pourquoi pas, vomit leur obtus brainstorming, nourrir le phantasme de zones islamiques de non-droit – hâtive strangulation sémantique chargé de poser une prétendue incompatibilité de principe entre l’Islam et l’Occident (3) – sur le dos lointain des frenchies mangeurs de grenouilles ? Of course, messieurs Bush et consorts ! D’autant plus que calomnier une zone, ce n’est, tout de même pas, calomnier les gens. Seulement, voilà : si la consommation de grenouilles attise bien le sautillement de l’esprit, « Le Petit Journal » (4) s’est chargé de rappeler, à nos néo-lourdingues friands de chiens chauds, que cela n’entame, en rien, le mordant de ses crocs. Au contraire.
Endolori de la pointe du museau au bout de la queue, notre renard s’était donc retrouvé clopinant, en quête de nouvelles neuves susceptibles de pourvoir à sa mission préélectorale. Et voyez comme le Destin est secourable ! Une copine de madame Zimmermann, journaliste accrochée au poil du goupil, a des tuyaux sur un centre de formations de terroristes. Intéressant… Qui plus est, en Mauritanie où les grenouilles sont rares. Allez, hop ! Envoie la camelote ! Calamity Khan, ladite copine, pousse un grand ouf de soulagement. Voilà l’officine obscure (5) où besognaient ses velléités de flingueuse enfin sous les feux de la rampe. Vous ne vous imaginez pas combien c’est difficile de faire son beurre de la traque anti-terroriste, dans un pays de trois cent cinquante millions d’individus dotés d’un P38 dès leur première bougie soufflée ! Le coup de génie, ça aura été de taper « Mauritanie mahadra » dans la barre de recherche de Google. Et, en clin d’œil, apparaissait la proie, le beurre, l’argent du beurre, le fromage, même, dont le renard est si friand : Maata Moulana.
Le jihad de Maata Moulana
Le monde est simple, dans la petite tête d’oiseau de Calamity Khan : la cité éducative de Maata Moulana éduque à l’islam ; donc, elle forme au terrorisme. CQFD. Et notre pie de service, guère plus futée que le corbeau de la fable, de concocter le plus loufoque des camemberts, bientôt coulant – et puant – sur les babines de Fox News (6). Odeur tenace et, misère de misère, de moins en moins bon goût, au fil de jours. Car l’offrande est vite parue beaucoup plus intoxicante que prévue. A la bonne heure, pour les lecteurs non-informés du sujet, puisque c’est, justement, une des missions du réputé rusé animal ! Mais aussi, pour lui-même, à nouveau sous le feu de tirs nourris. Et, non pas, comme il s’y attendait peut-être, d’AQMI, Boko Haram et consorts, forts réjouis, en l’occurrence – on va vite comprendre pourquoi – mais bien plutôt de démocrates ou libéraux bon teint, avec une notable proportion de non-musulmans.
« La cité idéale de Maata Moulana » (7), titrait un article du journal « Le Monde », voici quelques années. En dépit de certaines erreurs (8), dont l’excessivité de son titre, il permettait d’entrevoir, hors terres musulmanes, la réalité de ce qui est réellement enseigné dans la cité des Ehel Michri. Peu de temps après la parution de l’article de Jean-Pierre Tuquoi, j’ai, d’ailleurs, moi-même publié un papier tendant à rectifier diverses imprécisions de mon collègue et l’intitulé de mon travail : « Maata Moulana, un effort éducatif » (9); soulignait ce que tout visiteur, quelles que soient sa nationalité et ses convictions, ne peut manquer de percevoir, en déambulant dans ladite bourgade : son effort de civisme et de civilité. Mais, en découvrant cette si manifeste réalité, entend-il, pour autant, que faire effort, travailler avec assiduité et zèle, s’appliquer, se dit, en arabe, « jahada », racine verbale de « jihad » ?
Certainement, en ce qui concerne monsieur Joseph LeBaron, ambassadeur des Etats-Unis en Mauritanie, qui tenait, en cette encore chaude matinée de Novembre 2005, conciliabule, en arabe – il le parle couramment – avec les élèves et les professeurs de la mahadra de Maata Moulana, là-haut, sur la dune, un peu à l’extérieur de la ville, sous une toute simple tente dressée au cœur du fameux « camp » soi-disant « repéré », dix ans plus tard, par Calamity Khan. Je me souviens encore du sourire détendu de cet efficace ambassadeur, lorsque je lui déclarai, au cours du repas qui suivit cet échange : « Vous avez pu constater la présence, en cette mahadra, de quelques occidentaux : américains, autrichiens, belges, espagnols, français… Que venons-nous chercher en ces lieux arides dénués de toute commodité ? Une connaissance religieuse, bien sûr. Mais, aussi – et c'est, souvent, le centre de notre quête – une nouvelle culture, une nouvelle façon d'appréhender, au quotidien, les évènements de la vie. Car notre culture occidentale est une culture de l'affrontement. Notre Histoire est sanglante, heurtée, hantée d'inquisitions, de bûchers et de guerres. Ce que nous venons apprendre, ici, c'est l'art de la conciliation, du vrai respect d'autrui qui va beaucoup plus loin que la seule tolérance (10) ». Le jihad de Maata Moulana – Don de Dieu, en français – c’est l’effort à la paix.
Fox News, propagandiste du terrorisme
D’autres, musulmans de souche ou de fraîche adhésion – mais tous, hélas, également aveuglés – ont entrepris le cheminement inverse, sans se rendre compte qu’en adoptant ou perpétuant la culture de l’affrontement, ils tombent dans le pire des pièges tendus à leur foi… Je ne présume pas de celle de Calamity Khan et consorts qui les rejoignent dans cette ténébreuse fosse où ils croient – hors du droit, hors la loi – se combattre, se blessent, s’étripent, à l’occasion, et étripent, surtout, les innocents, à grands cris de haine et de douleur. Alors qu’ils poursuivent, tous ensemble, la même proie : leur propre humanité, si commune à tous. Je ne sais si Dieu leur donnera leur courage de sortir de ce gouffre. Je le leur souhaite, tout comme au dernier outlaw déclaré en date, le sieur Billy-the-Kid qui s’est vu encouragé, par la publication de Fox News, à surenchérir aux propos délirants de Calamity Khan (11).
L’allusion à ce dernier personnage, follement intoxiqué, semble-t-il, par les désinformations répétées – pour ne pas dire méthodiques – de Fox News, signale la responsabilité croissante du richissime media. Désormais, chaque nouvelle attaque contre notre cité éducative sera indexée au passif de celui-ci. Juridiquement parlant, on ne pouvait certes lui imputer, au lendemain de l’article de Calamity Khan, qu’un « manque » – euphémisme bien maatamoulanien – de professionnalisme. Mais il est parfaitement informé, depuis, au moins, mon article de la semaine dernière, du caractère ne serait-ce que « probablement » calomnieux des propos de la prétendue « experte » en renseignements. Alors qu’il a, lui, largement les moyens de financer une véritable enquête sur ce que signifie réellement jihad à Maata Moulana, son immobilisme, depuis quinze jours, prouve sa complicité de fait avec la diffamation portée à l’encontre de la cité des Ehel Michri, de tous ses habitants et de tous les étrangers qui y ont séjourné ou séjournent (12).
La situation s’est donc beaucoup clarifiée, en deux semaines. A défaut, non seulement, de gommer, de lui-même, le faux – et de le faire gommer, dans toutes les parutions postérieures à l’article de madame Zimmermann : sa responsabilité est clairement engagée – mais, aussi, de rétablir, tout aussi spontanément, le vrai, Fox News y sera obligé par la justice des USA. Si la crédibilité du premier est, une nouvelle fois, fort compromise, c’est maintenant celle de la seconde qui est en jeu. D’autant que ce ne sont plus des zones, plus ou moins bien définies, qui sont taxées de hors-la-loi mais un lieu clairement identifié et des groupes précisément ciblés de gens : habitants de Maata Moulana, étrangers, notamment occidentaux, plus particulièrement français, y résidant. Calamity Khan la pie et le TRAC corbeau parieraient-ils sur la patte secourable du puissant renard assis au même banc des accusés ? Il eût été plus sage de rester sur leur arbre perché. Besogneux et méconnus, peut-être, mais à distance certaine des crocs du goupil… qui, mis devant l’évidence de la contrefaçon, ne manquera, certainement pas, d’indexer les fabricants du fromage électoralement si alléchant… Argument en défaveur de cette stratégie, le temps qui passe renforce l’association de malfaiteurs des trois compères… sans oublier d’alourdir, chaque jour, la note…
Ian Mansour de Grange
Notes
(1) : Dans la nuée des réactions qu’a suscitée le « scoop » du goupil (fox in english), voir, en français, celle qui a fait brillamment plier le gigantesque media américain : http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-petit-journal/pid6515-le-petit-journal.html?vid=1198979, ou, en anglais, http://www.snopes.com/politics/religion/nogozones.asp
(2) : Voir mon premier article sur le sujet : www.lecalame.info/?q=node/1862
(3): Une stratégie adoptée dès la fin des années 70 et coordonnée, au cours des deux décennies suivantes, avec tous les mouvements d’extrême-droite européens, variablement relayés, au gré des « nécessités » électoralistes, par des partis réputés plus libéraux, voire démocrates…
(4) : La célèbre émission de Canal + ne pouvait que se faire un plaisir de canarder dans l’outrance si complaisamment offerte et sa campagne de dérision en aura fait pleurnicher le pachydermique Roger Ailes qui n’en finit plus de se confondre en excuses. Chaud, chaud, le hot-dog ! Mais, bon, si l’essentiel, pour Fox News, était de faire du bruit, il a bien réussi son coup ; à moindre frais, semble-t-il, vu que, de procès, on n’en voit guère la queue, à ce jour…
(5) : Le Terrorism Research & Analysis Consortium (TRAC) pensait-il à ce point mériter, un jour, son acronyme qu’il en est, maintenant, près de mouiller son froc (si ce n’est déjà fait) ? On le comprend car c’est bel et bien le premier à avoir diffamé Maata Moulana : www.trackingterrorism.org/article/uncovering-mauritania%E2%80%99s-jihadi...
(6) : www.foxnews.com/world/2015/03/23/terror-triumvirate-isis-al-qaeda-boko-h...
(7): « Le Monde » du 15/03/2008
(8) : Ainsi que je le relevais déjà, quelques jours après la publication de l’article, dans le post suivant, signé de mon nom musulman, www.cridem.org/modules.php?name=News&file=article&sid=15451&mode=nested&order=0&thold=0, mais négligeant celle relative à ma petite personne que Jean-Pierre croyait avoir été adepte, dans le passé, des drogues « les plus dures » ! A moins qu’il pensât à l’alcool, effectivement pas très doux, j’aime trop la vie pour m’être évadé des grandes surfaces occidentales ailleurs que dans les paradis de Baudelaire, piqueté, ici et là, de quelques juvéniles prétentions à « voir Dieu en face »…
(9) : In « La Tribune » du 06/10/2008, hebdomadaire mauritanien où je tins deux années chronique, (article disponible à [email protected]).
(10) : Rapportée, à chaud, par le quotidien « Nouakchott-info » N°688 du 01/12/2005, l’info fut retravaillée par « Le Calame » N°900 du 01/10/2013, sous le titre « De la culture du conflit à celle de la conciliation ».
(11): Bill Warner, de son nom « inlaw », plus probablement pseudo, d’ailleurs, tant ce genre d’individus ont si peu courage de leurs « opinions ». Ce détective privé manifestement de tout entretient un répugnant torchon islamophobe, à l’instar de tant d’autres, où il a publié, au lendemain de la sortie de Calamity Khan sur Fox News, la page suivante : https://pibillwarner.wordpress.com/category/matamoulana-also-known-as-maata-moulana-mauritania/ Il a dû beaucoup jouer – et perdre, semble-t-il – à cache-cache, quand il était petit. Aussi affectionne-t-il particulièrement les jeux de piste et passe son temps à changer l’emplacement de sa diffamation. Dernièrement, on la retrouvait à : www.pibillwarner.com/2015/04/surveillance-photos-of-orlando-fl.html Voilà donc un fin stratège assez hot et assez dog pour faire carrière chez les politologues néocons. Je le leur recommande donc. Chaudement, of course !
(12) : Sans compter l’hypothèse d’un quatrième plaignant, l’Office National du Tourisme en Mauritanie qui a déjà signalé son mécontentement, comme dit tantôt (voir le lien de la note 2).