Sept ans que le président Mohamed ould Abdel Aziz est au pouvoir. Parmi les thèmes de sa campagne présidentielle de 2009 qui avaient le plus séduit, la lutte contre la pauvreté aurait été pour beaucoup, dans son surprenant passage au premier tour, devant une vingtaine de candidats dont au moins deux grosses pointures de l’opposition traditionnelle nationale. Depuis, les mailles du filet de sa campagne contre la gabegie qui tantôt s’élargissent, tantôt se rétrécissent, ont attrapé ou laissé passer certains, dans des affaires de vol d’argent public en quasiment toutes les institutions de la République. Les malversations n’ont même pas épargné l’armée dont les affaires étaient, habituellement, tenues fort secrètes. De grandes institutions, longtemps réputées à l’écart de telles frasques, se sont révélées gangrenées, elles aussi, par la mauvaise gestion et de l’indélicatesse économique. L’affaire de la Maurisbank et la grave grève des travailleurs de la société minière n’en sont que de parfaites illustrations. Officiellement, le régime prétend avoir recouvert, grâce à sa fameuse campagne contre la gabegie, des dizaines de milliards qui lui ont permis de financer des projets de développement sur fonds propres de l’Etat. Le nouveau climat dans lequel se déroulent les négociations de pêche avec l’Union Européenne serait, pour celui-là et ses thuriféraires, une preuve formelle de la volonté du pouvoir de stopper la gabegie. Les licences de pêche accordées, dans des conditions douteuses, à la société chinoise Hong Dong, les biens « polémiques » du maire de Zouérate et le prêt de quinze milliards, à la société Ennejah ayant en charge la construction de l’aéroport international de Nouakchott dont les travaux sont en retard de deux ans, ne seraient que des « accidents de parcours ». De 2008 à 2015, la rondelette somme de 2006 milliards d’ouguiyas a été claquée. Proportionnellement à cette manne, qu’est ce qui a été concrètement fait ? Des routes. Des équipements militaires, avec, notamment, les cinquante millions de dollars de l’Arabie Saoudite et cinquante autres en provenance de la SNIM. Des équipements d’hôpitaux et d’établissements scolaires. Et quoi encore ? J’en oublie certainement, comme la construction de nouvelles villes : Chami au nord, Nbeïket Lahwach à l’Est. Mais il y a eu, aussi, les milliers de tonnes de kérosène pour les voyages présidentiels. Les milliards, voire les centaines de milliards, en frais de mission et hôtels cinq étoiles, classe VIP. Les milliards pour les caisses noires des services de renseignements et autres de désengagement et de débauchage. Les milliards de la « fidélisation », en argent comptant et marchés de complaisance, au profit de personnes influentes de la majorité. Selon les indications officielles, le taux de croissance national (vers 6%) est un des meilleurs de la sous-région. Que la dette extérieure soit au sommet de toute l’histoire du pays importe peu. La lutte contre la gabegie continue. Ses manifestations quotidiennes aussi. La désertion des bureaux, par des milliers de fonctionnaires, pendant dix jours, pour aller recevoir le Président dans les deux Hodhs, c’est de la gabegie. Beaucoup de temps et d’argent qui partent en fumée…pour rien. Sans contrepartie. Le bourrage des institutions avec un personnel pléthorique, c’est de la gabegie. Les six mille et quelques employés de la SNIM ne sont pas tous si indispensables qu’on le pense. La preuve. Les centaines de fonctionnaires de la BCM aussi. La SOMELEC, la SNDE, les ministères et les établissements publics sont exagérément remplis d’un personnel dont 50 à 60 % ne servent à strictement rien. Deux bonnes secrétaires suffisent à faire correctement le travail mal fait par la quarantaine abusivement recrutée par l’honorable hémicycle. Des comptables qui ne savent pas compter. Des coordinateurs de gros projets sans niveau. Des directeurs centraux parachutés… mortellement. Ça, c’est de la gabegie. Les manques à gagner de ces agissements irresponsables se chiffrent en milliards. Leurs responsables méritent un mépris national collectif et un impitoyable séjour carcéral à vie. Ce qui se passe, au ministère de l’Education est déconcertant, pour ne pas dire scandaleux, pour une année pompeusement décrétée de l’enseignement. Dans ce ministère, les professeurs et les instituteurs sont tout simplement « libérés », par vagues, sur la base de notes de services individuelles, abusivement formulées, à tour de bras, par une direction des ressources humaines laxiste, jouissant de la « confiance totale » des premiers responsables du département. Pour cette année scolaire, jamais le nombre de recrutement d’instituteurs et de professeurs contractuels n’a été aussi important, au point qu’en certains établissements d’enseignement général (collèges), l’essentiel du staff d’encadrement en est constitué. Cette nouvelle « méthode » de sortir du terrain les profs et instits valablement formés pour les remplacer par de jeunes contractuels souvent sans expérience ni professionnalisme est une chose particulièrement irresponsable et grave, tant pédagogiquement qu’économiquement. Il faudra une « grosse bagatelle » pour payer les salaires de ces recrues. Encore de la gabegie puisque beaucoup de ces contractuels sont des personnes fictives qui n’existent que de noms. Les organes de contrôle : Inspection Générale d’Etat et Cour des Comptes doivent descendre sur le terrain, pour élucider, devant l’opinion nationale, cette tumultueuse affaire des contractuels du ministère de l’Education nationale, en cette année 2015 de l’enseignement.
Sneïba El Kory