Comment pourrai-je être assez fou pour ne pas parler de la visite du Président dans les deux Hodhs ? Si celui qui raconte est fou, « l’entendeur » doit être intelligent. Je vais au Hodh, comme tout le monde. La sagesse populaire nous apprend que la mort parmi les dix est une sinécure. Et que si tu vois des gens borgnes, cligne de l’œil. N’importe lequel. Le gauche ou le droit. Peu importe. L’essentiel, c’est de partir. Etre l’ami des visiteuses. Mieux vaut le faire avec ton groupe et que ça se gâte, plutôt que de le faire seul et que ça marche. Al « baraketou » est avec le groupe. Et le groupe est au Hodh Chargui. Al baraketou, aussi. Echarg. L’Est. Une véritable revanche sur l’histoire contemporaine de la Mauritanie. Au tout début, c’était le centre du pays et son sud qui bougeaient un peu plus que les autres points cardinaux. Ne me comprenez pas mal. Tous les Mauritaniens de tous les côtés ont jeté les bases de la Mauritanie naissante. Pas de polémique. Le propos, ici, c’est de montrer que, depuis le milieu des années 80, le Charg a tout ravi. Néma 85. Haro sur les « tribuettes ». Mais, après, ce sont ces « tribuettes » qui ont permis, à chaque fois, à leur détracteur présidentiel de passer vingt-et-un au pouvoir. Des réservoirs électoraux énormes. Des cadres rompus aux manœuvres de mobilisation populaire. Des populations des profondeurs taillables et corvéables au profit des régimes successifs. Socialement, le Charg est encore loin de l’autre Mauritanie. Economiquement, c’est encore les gros cheptels. Les voyages vers l’Afrique de l’Ouest. Les traditionnels marchés hebdomadaires. La poulie, « el bir » et le « delou ». C’est un des deux paradoxes nationaux. L’un dit que la wilaya d’où ressortent le plus grand nombre d’hommes d’affaires est la plus pauvre du pays. L’autre que celle d’où sortent quasiment tous les premiers ministres, bon an mal an, au moins six à sept ministres et autres hautes fonctions assimilées, de toute époque depuis 1990, est la plus « dépassée » de tout le pays. Cheikh El Avia. Sghair. Ould Guig. Ould Mohamed Laghdaf. Ould Hademine. Cinq premiers ministres encore en vie dont un en exercice. Qui dit mieux ? Amourj. Timbedra. Oualata. Nbeïket Lahwach. Djiguenni. Un ami me disait que, finalement, Aziz, c’est du mauvais Maaouya. Pourquoi ? lui ai-demandé. Le commencement. La fin. Les légumes. Les visitations. L’entourage. Rien compris. Tous deux ont commencé avec les slogans. Guerre à la tribu. Combat contre la gabegie. Tous deux ont fini par finir de tout ça. Règne total de la tribu. Implantation de la gabegie. Au cours d’une visite au Guidimakha, une coopérative agricole féminine présenta, au Président Maaouya, des fruits et légumes, prétendus produits locaux. Tout émerveillé, l’ingénu président n’en revenait pas. Rebelote : des caisses pleines de tomates très rouge, comme celles du Maroc, de pommes de terre grosses comme celles d’Espagne, de betteraves, de carottes longues comme un jour sans thé ont été présentées à Ould Abdel Aziz comme fraîchement produites par un jardin maraîcher pilote de Nbeïket Lahwach. Fraichement produites ? Fraîchement débarquées ? C’est tout comme. Comme Maaouya, Aziz semblait tout crédule. Importation de populations. Importation d’experts agricoles. Importations d’élèves. Importations d’instituteurs. Importations d’équipes médicales et d’équipements. Sabotage. Mise en scène. Mensonge. Ce sont les mêmes « visitations ». Quand le président va à Néma, les gens de Boulenouar, d’Inal, de Senou Boussobé, des robinets Six, de Kenewal et d’Aghnemrit l’accueillent à Oualata et à Bassiknou. Tous les cadres, tous les fonctionnaires, tous les ressortissants, tout celui qui a un ami originaire de la région visitée, un marabout, un proche, l’ami d’un ami, le marabout d’un proche ou d’un ami. Les artisans, les griots, les grilleurs, les grillés, les rouleuses de bon couscous, les désœuvrés, les « promeneuses » et les promeneurs solitaires… Le même entourage de Maaouya est le même que celui d’Ould Abdel Aziz. Ne manquent que les morts. Les autres : vieux, jeunes, malades, éclopés, borgnes, aveugles, en service ou retraités, promus et démis sont là et bien là. Leur tête comme une graine… Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».