Voilà dix jours que notre guide éclairé se balade de ville en bourgade dans les deux Hodhs. Depuis le premier jour à Néma, où la Mauritanie a offert un visage hideux, avec des accueillants qui se bousculent, s’étripent et s’insultent pour accrocher l’auguste main, rien de fondamental n’a véritablement changé à l’Est. Toujours les mêmes scènes avilissantes. Tout comme il en sera de même à l’Ouest, au Nord ou au Sud, où les laudateurs offriront, dans quelques jours, les mêmes images qu’à Néma, Aïoun et un peu partout. C’est à se demander à quoi servent les visites de ce genre, si ce n’est à humilier un peuple obligé de faire courbette, chaque fois qu’un président se déplace pour inaugurer un point d’eau. Peut-être celui-là veut-il se réconforter, s’assurer d’être toujours populaire. Mais à quoi lui servira cette popularité, s’il ne lui est plus possible de briguer le suffrage des électeurs ? A-t-il oublié que ce sont ces mêmes foules qui ont accueilli tous les présidents qui l’ont précédé et accueilleront ceux qui lui succéderont ? A quoi sert la visite d’une école ou d’un centre de santé, quand on sait, d’avance, qu’ils sont dépourvus de tout et qu’un petit saut, même présidentiel, n’apportera pas grand-chose au quotidien de populations dans l’impossibilité de se soigner ou d’avoir accès à une éducation digne de ce nom. Les dispensaires et autres hôpitaux sont devenus des mouroirs où seuls se présentent ceux qui n’ont pas les moyens de se soigner dans le privé ; autrement dit, la grande masse. L’école publique n’est plus que l’ombre d’elle-même. C’est, en effet, un secret de Polichinelle que ces deux secteurs sont plongés, depuis longtemps, dans un coma profond, prélude à une mort programmée, si des mesures radicales ne sont pas prises rapidement pour les sauver. Ce qui ne pointe pas à l’horizon, Ould Abdel Aziz n’ayant rien annoncé pour leur venir en aide. Il n’avait pourtant pas besoin d’aller aussi loin pour se rendre compte de l’ampleur des dégâts. A moins qu’il n’ait d’autres objectifs, inavoués jusqu’à présent. S’il se défend de vouloir changer la Constitution pour se tailler un troisième mandat ou changer la nature du régime, comment expliquer cette débauche d’énergie et ses initiatives, jusqu’à présent timides, demandant qui un troisième mandat, qui une révision de la Constitution. Ne dit-on pas qu’il n’y a pas de fumée sans feu ?
Spécialiste des coups d’éclat, Ould Aziz aura réussi, avec cette visite, à faire passer, au second plan, non seulement, le dialogue politique mais, aussi, la grève à la SNIM. L’opposition, qui a réussi, elle, une fois n’est pas coutume, à se mettre d’accord sur des préalables, lui a renvoyé la patate chaude et attend une réponse. Quant aux ouvriers de la SNIM, ils ont donné, eux, une belle leçon de courage et de persévérance, refusant de plier aux injonctions. Ce que n’apprécie que modérément un général habitué à donner des ordres. Dans quelques jours, quand la visite sera finie, il va bien falloir revenir sur terre, répondre à l’opposition et trouver une solution à la crise qui paralyse la société minière…
Ahmed Ould Cheikh