
Dans son discours à la Nation, à l’occasion de la célébration du 65ème anniversaire de l’Indépendance, le président de la République, Mohamed Ould Ghazouani, est revenu sur la notion de citoyenneté. « Un nouveau slogan ! », diront ses détracteurs. Quelques jours avant la fête, il en avait parlé au Hodh Chargui, lors de son intervention à N’Beïkat Lahwach. Le Raïs y avait constaté que les populations de cette contrée parlaient beaucoup plus de l’avenir de leurs cadres que des questions de développement de la Nation. À l’occasion de la première Conférence nationale pour l’autonomisation des jeunes, la semaine dernière, il a également appelé les jeunes à placer la Mauritanie avant tout. À l’instar de Trump, clamant « L’Amérique d’abord ! » Un appel très applaudi par l’assistance réunie au Palais des Congrès « Les Mourabitounes ». Vendredi dernier, le Président a parlé de « la naissance d’un nouveau lien», celui de la souveraineté qui unit toutes les composantes de notre société, et sur lequel «reposent les droits et les devoirs […] : plus il est fort et enraciné, plus l’unité nationale et la cohésion sociale sont renforcées. ». Et d’inviter les Mauritaniens à en faire « le fondement premier des relations entre vous et avec les institutions de l’État ».
Vaste programme pour le Président, son gouvernement et les populations du pays marquées par le sceau de la tribu, de la région et du communautarisme ! De l’Indépendance à nos jours, les nominations ont été souvent – pour ne pas dire toujours… – promulguées sur ces critères, contribuant ainsi à nuire au concept de citoyenneté… et le népotisme en a constamment rajouté une couche ! Difficile, dès lors, de rayer d’un trait ces tares dénoncés pour la première fois par le Président dans ses discours jugés « historiques » à Ouadane et à Djéol. On croyait que la croisade était engagée pour renforcer l’unité nationale dont on nous rabâche les oreilles… sans véritablement s’y attaquer. Les tentatives de règlement du dossier du passif humanitaire et des séquelles de l’esclavage, la marginalisation dont se plaint une partie des Mauritaniens constituent des épines sur le chemin de la construction d’un État de Droit et, donc, de citoyenneté. Les méfiances demeurent encore profondes entre les Mauritaniens, les discours de haine que déversent les réseaux sociaux en sont une parfaite illustration.
Passer aux actes
La loi sur les symboles n’y a rien fait et la circulaire du Premier ministre risque de dormir dans les tiroirs ou simplement d’affecter certains et d’endormir les autres. Après avoir beaucoup parlé, depuis 2019, de l’unité nationale et de la cohésion sociale, il faut maintenant passer aux actes ! Cultivons le jardin pour semer dans l’esprit de nos enfants, à l’école et dans la rue, les valeurs de citoyenneté et de patriotisme, de respect de la diversité ! Dans un pays où certains se sentent considérés comme citoyens de seconde zone, il est difficile de construire la citoyenneté. L’école, les media et certains extrémistes ont fortement contribué à élargir le fossé entre les citoyens.
Un acteur politique demandait, à juste titre, si les discours du président de la République étaient traduits pour les communautés négro-mauritaniennes. Et certes, les media jouent un rôle extrêmement important dans la construction de la citoyenneté. Or, si les cérémonies de célébration de l’Indépendance sont bel et bien retransmises en direct sur les media publics, leur traduction en langues nationales pulaar, soninké et wolof reste en deçà des attentes des intéressés. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup ne suivent pas lesdits media dont la part réservée auxdites langues nationales, dans les grilles des programmes, est plus qu’incongrue.
Autre obstacle, l’Administration. Le président Ghazouani voudrait en faire une institution « proche et au service des citoyens » mais nombre de ses agents suscitent de la méfiance. Il est en effet difficile de jouer un tel rôle de contiguïté quand on ne comprend pas la langue des locaux ou quand on attise leur doute. En ce domaine, un effort doit être poursuivi sans relâche. L’introduction des langues nationales pulaar, soninké, wolof à l’École Nationale d’Administration du Journalisme et de la Magistrature (ENAJM) est certes à saluer mais les résultats prendront du temps avant de produire des effets. La citoyenneté, c’est un état d’esprit, un comportement, non un discours ni, disons-le, du cosmétique.
Dalay Lam




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