La symbolique du conseil n’a pas grand sens, dans l’imagerie (pas l’imaginaire) populaire mauritanien. C’est peut-être pourquoi m’a-t-il été impossible de retrouver quelque vis-à-vis à « La nuit porte conseil », dans nos traditions proverbiales. Chez nous, la nuit c’est vraiment pour toutes autres choses qui n’ont, généralement, rien à voir avec les conseils. Peut-être les « déconseils ». Zigzags. Entre par là. Sort par ci. Dans la nuit. Doucement. Il est plus facile de se faire conseiller le jour que la nuit. Le conseil, c’est une nouvelle lumière. Et, pour ça, on a besoin de voir. Or, la nuit, on voit rien. Et, c’est mieux comme ça. Tous les grands émirs, marabouts, présidents avaient des conseillers et autres chargés de mission. Des conseillers bons à tout faire. De grosses missions comme ça. Ça peut aller du bourrage d’une longue pipe à l’abattage d’un dodu chamelon, en passant par la trituration de pastèques fraîches, pour une bonne huile destinée à enduire la jolie barbe du chef. Un conseiller ne conseille pas forcément. Il peut même déconseiller. Plus un conseiller déconseille, mieux c’est. Par exemple, entre un dialogue et un référendum. Quelle est la voie la plus sûre, pour aller vers un énième mandat ? Un dialogue, c’est indirect. Ce n’est pas tout le monde qui viendrait s’asseoir autour de la table. C’est à peine cent personnes, toutes tendances confondues, sur les trois à quatre millions de Mauritaniens. Donc, impossible, impensable, de vouloir changer quoi que ça soit comme ça. Un référendum, c’est direct. Celui qui va vers Allah n‘a qu’à aller le voir directement. Gauche, droite. Droite, gauche. Ça, ce n’est pas bon. Et puis, c’est du fondamental. Pas besoin d’avoir fait grandes écoles civiles ou militaires, pour savoir que la ligne droite est le plus court chemin… vers tout. La démocratie, c’est quoi ? Démos, c’est le peuple, je crois. Cratie, c’est pouvoir. Je ne suis pas sûr. Je crois. Pouvoir du peuple ou volonté du peuple. Comment connaître la volonté de quelqu’un, sans lui demander son avis ? Directement ou indirectement. C’est le peuple qui décide. Pas l’opposition. Ni la majorité. Pas même le Président. Ni les militaires. Ni le gouvernement. Le peuple va conseiller le Président. Le Président va écouter son peuple. A travers ses notables. A travers ses banderoles. A travers ses manifestations. La tradition populaire mauritanienne recommande d’écouter tant les propos de ceux qui te font pleurer que ceux de ceux qui te font rire. Quel beau conseil. Tenu !, comme dirait un ancien joueur de poker. Tour !, comme dirait un ancien as du blind. Justement, l’expression du peuple fait pleurer d’émotion, de joie, de chance. Ça fait « koi », qu’un président parte visiter ses « présidés » ? Normalement, c’est normal. C’est ordinairement ordinaire. Ce qui est important, c’est que ce sera sans gâchis. Juste quelques tonnes de kérosène, pour les hélicos qui porteraient le président et sa « marge ». Quelques terrassements, pour lui permettre d’atterrir sans gros risques. Pas de meetings populaires à la Festival des villes anciennes. Maintenant, que tous les ressortissants des wilayas visitées ferment bureaux, boutiques, mosquées, mahadras, stations-services, hôtels, restaurants, garages, pharmacies, cabinets… et aillent se faire voir devant le Président, ça ne regarde pas le Président. Leurs faits, gestes et dires n’engagent qu’eux. C’est la liberté d’expression. C’est la démocratie. Qu’ils écrivent, sur leurs turbans, leurs thiayas, leurs boubous et autres pagnes et robes : « Je suis Aziz », c’est leur droit. Néma est Aziz. Timbédra est Aziz. Bassiknou est Aziz. Djiguenni est Aziz. Oualata est Aziz. M’beïket Lahwach est Aziz. Amourj est Aziz. Bengou. Ichemim. Sondage Hamada ould Derwich…Nous sommes Aziz….. Le document final du Forum va au gouvernement. Le Président va aux populations. Le monde bouge. L’histoire du monde est faite de mouvements. Dans tous les sens. Attention aux télescopages ! Justement, c’est pour éviter ça que le président est allé aux Hohds. Loin du FNDU et de son document final. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».