
Lors de sa récente tournée au Hodh Charghi, le président de la République avait fustigé, à l’occasion de l’étape de N’Beïket Lahwach, les discours et comportements à caractère tribal ou communautariste pouvant ébranler les fondements de l’unité et la cohésion nationale. Et, poussant un peu plus le bouchon, il sommait les ministres et hauts cadres de ne plus assister à des rencontres de cette nature. Ould Ghazouani venait de constater combien les populations et leurs dirigeants politiques ne faisaient, en cette contrée du pays, que peu de cas de la République... Les individus et leur tribu passent avant l’État. Ces citoyens avaient même déjà choisi leur candidat à la présidentielle prochaine ! L’exhibition des cortèges de voitures 4x4 et les propos tenus par certains intervenants, lors des réunions de cadres et meetings chargés de passer des messages au Président, ont visiblement suscité le courroux de celui-ci.
Du coup, les observateurs se sont interrogés sur les mesures qu’il entendait prendre, au lendemain de son retour à Nouakchott. Sanctionner les personnes suspectées de mener une campagne électorale avant l’heure ? Ould Ghazouani a clairement dit que ces personnes n’ont pas de place à ses côtés, dans la mesure où leur action contribue à détourner le gouvernement de l’exécution du programme qui le lie au peuple mauritanien. Le ton apparaît très ferme et clair le message à l’endroit de ceux qui seraient tentés de défier le Président-marabout. Ils auraient tort : Ould Ghazouani que beaucoup traitent de « mou », avant tout soucieux de ne faire aucun mal à quiconque, a prouvé combien il se s’embarrassait pas ni de l’amitié ni de la loyauté. Son expérience avec Ould Abdel Aziz, un ami de quarante ans qui lui légua le pouvoir en 2019, malgré des tentations et pressions de certains le poussant à garder encore la maison, l’a amplement démontré. On sait comment cela a fini : l’ancien ami a été envoyé en prison pour avoir voulu faire de son successeur un pantin, après son départ du Palais. Ceux à qui Ghazouani a fait allusion ont-ils médité le sort de l’ex-Président ? Wait and see !


Un nouveau front
Aujourd’hui, les Mauritaniens regardent et attendent. Certes, la volonté du Raïs de traduire, dans les faits, son discours de fermeté à N’Beïket Lahwach, s’est manifestée : son Premier ministre, cité parmi les prétendants à sa succession, a adressé une circulaire aux ministres, ministres-délégués, délégué de Taazour, CSA et Commissariat aux Droits de l’Homme, pour leur demander de ne plus participer à des réunions à caractère communautaire, tribal ou régional et de s’interdire de tenir tout propos haineux, incitation à la division ou à la violence ethnique, en les mettant en garde contre l’instrumentalisation du moindre conflit tribal. Des décisions louables… mais qu’il reste à mettre en pratique.
Beaucoup d’autres mesures avaient été annoncées, les discours du président de la République à Ouadane et à Djéol avaient occupé les débats pendant des semaines… avant de tomber aux oubliettes. En ouvrant ce nouveau front, après ceux de l’unité nationale, la lutte contre la gabegie et l’école républicaine, Ghazouani multiplie les feux, risque fort de disperser les énergies et, du coup, rater le coche. S’attaquer au tribalisme, dans un pays dont toutes les nominations, civiles et militaires, sont à caractère tribal, népotique, régional et communautaire, est certes louable, pour un État moderne et démocratique. Mais cette spécificité est un marqueur indélébile auquel beaucoup de Mauritaniens sont attachés. La visite du Président au Hodh en est une illustration parfaite : les populations locales et leurs acteurs politiques instrumentalisent ces pratiques au détriment de l’organisation républicaine.
Le combat risque d’être perdu d’avance, parce que le système qui gouverne le pays depuis sa fondation y est fortement ancré. Il paraît bien difficile de scier une branche sur laquelle les pouvoirs sont assis et accrochés ! Le problème, pour le gouvernement, c’est que ces pratiques sont discutées, préparées et mises en œuvre dans les salons, les bureaux, autour de généraux, ministres, secrétaires généraux de ministères, etc. Il paraît ainsi très ardu que les auteurs de ces pratiques néfastes – ou ceux qui profitent… – vendent la mèche… puisque la tribu est leur protectrice. Chaque haut responsable nommé à la tête d’une institution – de haut niveau surtout – s’empresse d’y imprimer la marque de sa tribu. Il apporte chauffeur, planton pour le thé et autres. Suivront les marchés à attribuer à des proches dont certains sont invités, dans la foulée de la nomination, à fonder des entreprises pour pouvoir bénéficier de ces « opportunités ». C’est dire que la mission du Premier ministre est plus que délicate. Les Mauritaniens adhéreront-ils à ce combat ou celui-ci va-t-il, comme beaucoup d’autres, stagner au stade de slogan… avant de tomber aux oubliettes ?
Dalay Lam




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