
Il y a quelques années, j’avais fait le choix radical d'abandonner ma plume, m'imposant un mutisme scriptural dans un contexte politique singulier marqué par un consensus tacite. C’était à une époque où la pression médiatique des plateformes était moins pesante et les acteurs politiques rechignaient à faire usage massif des réseaux sociaux. Face à l'émergence des nouveaux moyens de communication, marquée par le développement fulgurant et l'usage abusif des réseaux sociaux, j'ai dû rompre ce silence pour reprendre l'activité qui me tenait et me tient toujours encore à cœur ; à savoir l’échange et le partage des idées.
En vérité, ce qui a sonné le glas de mon mutisme, c’était certains posts toxiques diffusés sur les réseaux sociaux, faisant état d’anachronismes, tout en prétendant qu’ils ont toujours cours dans notre pays, légitimés par l’Etat. Je tiens néanmoins à préciser que l'activisme sur les réseaux sociaux est un indicateur clé de la vitalité de l'engagement politique citoyen. Ces plateformes ne sont plus, seulement, des outils de communication mais, aussi, des lieux où l'action militante s'exprime et se partage, impliquant l'ensemble des citoyens, y compris les acteurs et responsables politiques.
Une exigence de fond
Toutefois, ce nouveau terrain d'expression impose une exigence de fond. Un acteur politique crédible doit impérativement éviter le piège du « militantisme creux » ou du « clicktivisme ». Pour maintenir la confiance, ses déclarations, son discours et ses actions concrètes doivent rester dignes de foi, en phase avec les préoccupations réelles du pays. Autant il doit s’éloigner de la démagogie et de la propagande irréfléchie, autant il doit s’évertuer à être sourcilleux et très regardant sur les faits, tout en restant intransigeant quant à la restauration du Droit, respect des libertés fondamentales, consolidation de la paix civile et de la justice.
Loin des règles de modération et de retenue qui doivent caractériser les concepteurs de contenus, au même titre que les intervenants politiques, certains acteurs et militants se laissent emporter par leurs émotions et, peut-être même, par leurs illusions, se mettant à décrire et à dénoncer des réalités politiques invraisemblables. Depuis quelques années, on nous bassine sans cesse, avec des statistiques sur l’esclavage, sur la composition ethnique du pays, le racisme d’État et même sur un système d’apartheid à la sahélienne. Ces déclarations émanent d’un personnel politique en quête de légitimité populaire et de visibilité mais paradoxalement prêt à instrumentaliser toutes les questions nationales, quitte à ébranler des convictions et à semer la zizanie et la division. Ils sont chefs de partis, élus siégeant à l’Assemblée nationale, militants et éminentes figures de l’opposition nationale mauritanienne qui se font l'écho de cette propagande, la relayant sans discernement.
Je n’ai pas la ridicule prétention de reprocher aux acteurs politiques leurs convictions ou leur appartenance politique ; encore moins, leur légitime lutte contre les abus de toutes sortes. Je considère qu’ils sont tout-à-fait dans leur rôle et doivent contribuer à la réforme globale et radicale de la Nation mauritanienne et à la transformation du pays. Je n'ai nullement l'intention de m'ériger en arbitre pour décerner des gages de légitimité aux divers acteurs, quant à la conduite de leur combat politique respectif. Mais la politique est l’affaire de tous, comme disait Rousseau.
De même, les chantiers sont énormes et les acteurs politiques de l’opposition, comme ceux de la majorité, et, surtout, les élus du peuple ont du pain sur la planche et doivent s’attaquer aux sujets de fond, au lieu de s’égarer sur des terrains minés pour mettre en péril la cohésion et l’unité de la Nation. Je considère que les acteurs politiques ont une opportunité historique de réformer notre démocratie, s’attaquer aux problèmes de gouvernance, du clientélisme politique, du favoritisme et même à cette propension évidente du parti-État à mettre la main sur tous les leviers du pouvoir. Autrement dit, nos vaillants hommes politiques doivent s’attaquer aux sujets de fond et éviter de ne pas instrumentaliser certains sujets sensibles qui relèvent, de par leur nature, du sous-développement, retard ou arriération.
Mobilisation critique
Quand un acteur politique ou un élu du peuple tient un discours qui porte le flanc à l’ambiguïté ou qui n’est pas conforme à la réalité du pays, c’est qu’il n’est pas à la hauteur de ses missions, sinon incapable de se départir de ses préjugés ou émotions. Les propos émotifs s’assimilent souvent à une sorte de faiblesse ou de carence intellectuelle car on n’est pas apte à tenir un argument sans être soumis à sa passion ou ses sentiments. Il y a quelques jours, lors d'un meeting organisé à l'étranger, un élu du peuple a tenu des propos stupéfiants, accusant le gouvernement, non seulement, de racisme d'État mais, aussi, de velléités d'exclusion nationale. Malgré le respect qu’on lui doit, cet élu du peuple semble oublier, peut-être par naïveté ou pure ignorance, qu’il vient ainsi accuser son propre pays de crime contre l’humanité. Lâché sans attention particulière, ce grand mot peut coûter d’autant plus cher à un élu politique que celui-ci est censé porter les idéaux, la valeur et l’essence même de la République. Ledit député précise que "l’État mauritanien instaure un racisme d’État et installe délibérément un système d’apartheid, avec l’intention d’exclure ou de discriminer, par la force ou des lois ségrégationnistes, des pans entiers de la Nation’’. C’est hallucinant. Face aux déclarations fantaisistes de cet élu, l'heure est à la riposte intellectuelle. C'est aux académiciens, universitaires et intellectuels de démonter, point par point, ces allégations, pour que la vérité prime. Nous sommes appelés à une mobilisation critique. Notre mission se limite à faire éclater la vérité, en démantelant, point par point, les contre-vérités propagées par cet élu et d'autres personnalités qui ressassent sans cesse des accusations graves comme l'apartheid à la sahélienne ou l'esclavagisme d'État.
Pour votre connaissance, Monsieur l’élu du peuple, le racisme d’Etat renvoie à l'ensemble des politiques, lois et pratiques mises en place par un État, dans le but de produire ou perpétuer des discriminations et des inégalités basées sur la race, l'origine ethnique ou la couleur de peau. Contrairement au racisme individuel, qui est le fait d'une personne, le racisme d'État est ancré dans le fonctionnement même des institutions publiques et des structures sociales et peut se manifester à travers plusieurs mécanismes :
-Lois et décrets discriminatoires : un État peut adopter des lois qui restreignent, explicitement, les droits de certains groupes en fonction de leur ethnie. Ce fut le cas de l'apartheid en Afrique du Sud, des lois Jim Crow aux États-Unis ou celles de Nuremberg dans l'Allemagne nazie ; discrimination dans le système judiciaire : les personnes issues de minorités ethniques/raciales peuvent être victimes de discrimination dans toutes les étapes du système judiciaire, de l'arrestation à la condamnation, en passant par le profilage racial ; inégalités dans l'accès aux services : les institutions étatiques comme la santé, l'éducation ou le marché de l'emploi peuvent reproduire des inégalités, en offrant un accès ou un traitement biaisé aux personnes ethnicisées ou racisées.
(À suivre)
Seyid MOHAMED VADEL
E-mail : [email protected]




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