Les Mauritaniens entretiennent des rapports particuliers avec l’argent. Tout ce qui se dit autour est religieusement écouté. Rapidement distillé à travers les quatre coins de la République ou de la monarchie. Plus généralement, tout s’apprécie par rapport à l’argent. Et ce qui en rapproche. C’est, peut être là, l’histoire, au sens de problème, de la Mauritanie. Et ça, le colon l’a bien compris. Très tôt, d’ailleurs. C’est pourquoi tous les collabos qu’il entretint étaient gracieusement rétribués, pour vendre cousins, parents, amis et, même, être prêts à s’adonner aux pures impuretés – excusez la lourdeur – susceptibles de soutirer le maximum d’argent aux impies dont les biens n’étaient, à l’évidence, que du halal, comme les poulets exposés dans un supermarché nouakchottois. D’ailleurs, si l’on regarde bien, toute l’Histoire – je veux dire, cette fois, le récit des événements passés – se décline en termes d’argent. Tous les grands événements du pays : du 28 novembre 1960 (date de l’indépendance) au 21 juin 2014 (date de la réélection de Mohamed Ould Abdel Aziz), tout se discute en termes d’argent. Et Moussa est, en cela, le frère de Lveïlatt – excusez l’insolence – comme le plus grand est l’éléphant et l’éléphant ne prie pas. Y a que les histoires d’argent qui sortent de la torpeur. Y a que les histoires d’argent qui vaillent. C’est pour avoir de l’argent qu’on applaudit. C’est pour ça qu’on se compromet. C’est pour l’argent qu’on insulte, qu’on invective, qu’on bave. C’est pour avoir de l’argent qu’en individus ou en groupes, on monte des initiatives de soutien puis des communiqués de félicitation au président qui sort par là-bas et entre par-ici. C’est pour l’argent qu’on voyage loin et pendant plusieurs jours. Pour rien, inutilement. Les frais de mission, messieurs-dames. C’est pour l’argent qu’on organise des séminaires à tout va. C’est pour l’argent que les parlementaires se mettent en aparté, afin d’expliquer, aux nouveaux venus, le secret des amendements. C’est pour l’argent que de petits lobbies bien structurés opèrent, impunément, dans les dédales du ministère des Finances et de la Boutique Centrale de Mauritanie. C’est pour l’argent que la Direction générale des impôts procède à des centaines de dégrèvements fiscaux qui font perdre, à l’Etat, des centaines de millions, voire des milliards, mais qui en font gagner, quelque part, ailleurs. C’est pour l’argent qu’on organise des élections. L’encre indélébile, les bulletins et autres accessoires électoraux, ce n’est pas rien. Les commissions des sociétés étrangères. On ne va pas à Londres pour les beaux yeux de la reine d’Angleterre. C’est pour l’argent qu’on fait des pieds et des mains, pour devenir président, même d’un petit bureau, quelque part, loin, vers Nbeïket Lahwach ou à Aïn Savra. Toutes ces marches, tous ces discours, tous ces insignes en arabesque sur les épaules des généraux, toutes ces négociations, tous ces appels au dialogue, à la démocratie, à la sagesse, à la fraternité, au bon sens… Tout ça, c’est pour l’argent. Ces banques qui poussent comme des champignons, ces petites et grandes entreprises de ceci, de cela et de je ne sais quoi d’autre encore qui ont pignon sur rue, ces enrôlements, ces agences, ces goudrons, ces éclairages publics, ces rencontres avec le peuple, avec les jeunes, c’est pour l’argent dont on ne se suffit jamais. Puisque la pauvreté, en Mauritanie, c’est juste avoir trois maisons dont deux à Tevragh Zeïna, trois comptes en banque, quelques dizaines de chameaux, cent soixante-deux brebis, deux luxueuses voitures et quelques dizaines de paires de babouches, aux couleurs différentes. Finalement, on est tous pauvres. C’est pourquoi notre président est le président des pauvres. Le chef des pauvres, en quelque sorte. Mais, aussi, des marginalisés, puisqu’en son temps, c’est la mode de la marginalisation. Les Harratines sont marginalisés. Les Forgerons sont marginalisés. Les Guerriers sont marginalisés. Les Zwayas sont marginalisés. Les Al El Beyt sont marginalisés. Les Zenagas sont marginalisés. Les Griots sont marginalisés. Les Femmes sont marginalisées. Les Jeunes sont marginalisés. Les Retraités sont marginalisés. Les Civils sont marginalisés. Les Militaires sont marginalisés. Tout ça, pour de l’argent. Tout y revient. Tout tourne autour. Président des pauvres. Président des marginalisés. Salut. Et bon Ramadan. Quand même… On ne sait jamais : d’ici que la Mauritanie s’y purifie, enfin, vraiment…
Est-il écrit quelque part qu’en ce qui concerne la qualité du réseau Internet, nous resterons indéfiniment en queue de peloton ?