Un troisième mandat : une tentation anachronique, un danger pour la République

9 October, 2025 - 11:23

Depuis quelques semaines, des voix se sont élevées sur les réseaux sociaux, relayées par certains intellectuels, avocats, journalistes de renom, hauts fonctionnaires et même ambassadeurs en fonction, pour évoquer l’hypothèse d’un troisième mandat présidentiel.
Sans prétendre détenir la vérité, je souhaite ici donner mon opinion personnelle, en l’argumentant de manière raisonnée et en m’appuyant sur les principes juridiques comme sur les leçons de l’histoire. Ma démarche n’est pas d’alimenter une polémique, mais de contribuer à une réflexion nationale qui engage directement l’avenir de notre République.
1. Le cadre juridique : la Constitution comme contrat suprême
La Constitution est la norme fondamentale : elle organise le pouvoir et en fixe les limites. Elle n’est pas un simple règlement que l’on adapte aux circonstances, mais un pacte fondateur qui fonde la légitimité de toutes les institutions.
La limitation des mandats présidentiels y figure comme une clause de sauvegarde démocratique : elle protège la République contre toute dérive autocratique. La remettre en cause pour des considérations conjoncturelles reviendrait à instrumentaliser la loi suprême au profit d’intérêts immédiats, au détriment de l’intérêt général et de la continuité républicaine.
2. La stabilité ne se confond pas avec la longévité personnelle
La stabilité politique ne découle pas de la durée de règne d’un homme, mais de la solidité des institutions, du respect des règles et de la séparation des pouvoirs.
L’histoire est riche d’enseignements : les États qui sacrifient la règle constitutionnelle au profit d’une personne sombrent dans la personnalisation du pouvoir, ce qui fragilise au lieu de consolider.
La Mauritanie elle-même a souffert, par le passé, d’interruptions institutionnelles et de ruptures de légitimité. L’alternance pacifique, bien que récente, reste l’un de nos rares acquis démocratiques qu’il nous faut préserver jalousement.
3. La jurisprudence comparée : leçons et mises en garde
En Afrique, les tentatives de suppression de la limitation des mandats ont souvent débouché sur des crises graves : violences électorales, guerres civiles, perte de crédibilité internationale.
À l’inverse, les nations qui ont respecté la règle de l’alternance ont vu leur démocratie se consolider, même au prix de transitions parfois difficiles.
Les exemples de la France — qui a réduit la durée du mandat et limité leur nombre — ou des États-Unis — avec le 22ᵉ amendement de 1951 — démontrent que la limitation du mandat présidentiel protège la République d’une présidentialisation excessive et garantit l’équilibre institutionnel.
4. Le risque d’un précédent dangereux
Autoriser un troisième mandat reviendrait à ouvrir une brèche : demain, plus rien n’empêcherait d’aller vers un quatrième, voire un cinquième. La Constitution serait ainsi vidée de sa substance et réduite à un texte malléable selon les désirs du moment.
Cela transformerait la République en un régime sur mesure, où la règle se plie au titulaire du pouvoir, au lieu que le titulaire se plie à la règle.
5. Conclusion : sauvegarder la République
Le débat sur un troisième mandat n’a pas sa raison d’être.
        *       Il viole l’esprit et la lettre de la Constitution.
        *       Il compromet la crédibilité démocratique de la Mauritanie.
        *       Il détourne le pays de ses priorités réelles : développement, justice sociale, renforcement des institutions, éducation, emploi des jeunes.
La sauvegarde de la Constitution n’est pas une option : c’est une exigence de survie nationale.
L’alternance n’est pas une faiblesse, mais la meilleure garantie contre la personnalisation du pouvoir et le gage le plus sûr d’un État durable et respecté.
En partageant cette opinion, je n’ai d’autre ambition que de rappeler que l’avenir d’une nation ne peut se réduire au destin d’un seul homme. Ce qui fonde un État moderne et solide, ce sont des institutions respectées, une gouvernance juste, une justice équitable et une répartition équilibrée des richesses.
Dès lors, la question qui s’impose n’est pas : « Faut-il ouvrir le débat sur un troisième mandat ? » La vraie interrogation est : « Ne devons-nous pas plutôt concentrer notre énergie collective sur les problématiques essentielles du développement, de la justice et de la bonne gouvernance, afin de construire une Mauritanie forte, équitable et respectée ? »
 

Ahmed Mahmoud Ould Mohamed dit Jemal