Dans l’imaginaire populaire, Madame la hyène occupe une place de choix. Dans les sottises et les incrédulités, du moins. En cela, ses seuls rivaux de prédilection sont Dame Teïba ou le Père de l’Autre. Tellement stupide et gourmande au point de s’« auto-tromper » en voulant tromper les autres. Un jour de grande famine, la hyène, fouillant désespérément tous les coins et recoins de la forêt, finit par découvrir le providentiel cadavre, tout frais, d’une vache qui venait de rendre l’âme, au creux d’un oued. Goulûment, elle ravagea sa proie, à quelques encablures des autres animaux entassés et mourant de faim. Enfin rassasiée, elle voulut jouer un tour aux autres bêtes désemparées. « Hé ! », leur lança-t-elle, « Là-bas, dans le creux de l’oued, des dizaines de cadavres de vaches grasses attendent preneur. Voyez comme j’en suis moi-même pleine ». Sans plus attendre, les animaux se ruent vers la direction indiquée, couvrant la hyène de poussière. Devant cette ruée, la sotte bête l’hyène se dit que c’était peut-être vrai et se lança vivement à leur poursuite, espérant sa part de festin. Moralité : les menteurs et les vendeurs d’illusions finissent, avec le temps, par croire à leurs propres mensonges et illusions. Ha ! Si les mensonges pouvaient construire les tentes, les cases, les Etats ! Après tout, le mensonge, c’est de la fabrication. Un concept très à la mode. Fabrication de cadres de toutes pièces. De zéro. De rien. De néant. Faites un petit tour, un peu, dans les institutions de la République. Aucune n’y échappe. Au ministère des Affaires économiques et du développement, par exemple. Normalement, ce devrait le repaire des experts ès choses techniques, interlocuteurs spécialisés des responsables internationaux des institutions de financement. Vous trouverez tout : du titulaire du bac O au titulaire de rien, fabriqués, localement, experts en ceci ou en cela, avec avantage en nature et en espèces de toutes sortes. Dans les directions techniques multisectorielles (éducation, affaires économiques, ministère des Finances, etc.), directeur général fabriqué avec petit diplôme de professeur, par défaut, de collège, et de sixième année du fondamental, par excès, auquel on adjoint un même profil unilingue (arabisant) et hassanophone. Comme ça, deux fabrications de mauvaise qualité, pour brasser des milliards, au profit de hautes personnalités tapies dans l’ombre. Appui du faible sur le faible. Au ministère de la diplomatie, c’est la fabrication instantanée de diplomates. Sortant de mahadra ? Diplomate en Norvège. Premier cycle de sciences du centre des professeurs adjoints du Ksar ? Ambassadeur plénipotentiaire en Chine, au Japon ou en Suisse. Fabrication en série. Bricolage. Supplétif des années 78, du temps de la guerre du Sahara ? Comptable des ambassades du Canada ou des Seychelles. Moniteur de l’enseignement de Lekhcheb ? Premier conseiller en Australie. Boutiquier à Sarakounda en Gambie ? Comptable de l’ambassade de Paris. Mensonge. Fabrication. Grab.1.2.3. Hamada. Wlad Leblad. Drogue. Viol. Fabrication de collège. Plus de personnel que d’élèves. Il y en a. Fabrication des universités privées, pour fabriquer des diplômes sur la base desquels des conseillers de ministres, de président, de directeurs généraux sont tout aussi fabriqués, comme de petites briques. Fabrication de journalistes, de groupes de communication, d’experts en géopolitique. En groupes armés. En analystes politico-stratégico-économico-socio-spacio-nihilistes. Rien ne se jette, tout se transforme. C’est la fabrique du mensonge et des illusions. C’est l’interchangeabilité. Un moniteur de l’enseignement peut devenir responsable de facturation à la SOMELEC ou même chef de centre. Un tourneur à l’imprimerie nationale peut être fabriqué chef d’arrondissement puis hakem puis wali, quelque part vers Sory Malé, la Guerra ou Nouakchott-Sud. Y a que chez NouZ’autres que les flics se transforment en charlatans. Et que les violeurs sont cités au mérite national. Y a que chez NouZ’autres qu’une petite échoppe peut être, à la fois, dépôt pharmaceutique, garage, bureau de revendeur de terrains et de pièces détachées. Un atelier bilingue. Comme les instituteurs bilingues. Les cadres bilingues. Qui ne parlent ni le Français, ni l’Arabe. Juste leur langue maternelle. On est dans la fabrication. On est dans le mensonge. On n’est pas encore sorti de l’auberge ; enfin, de la Mauritanie nouvelle. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».