
Lors d’une récente rencontre internationale, deux dirigeants africains ont marqué les esprits par leur posture, leur discours et leur vision du continent. L’un, militaire gabonais devenu chef d’État, a tenu tête à Donald Trump avec une fermeté rare. L’autre, président civil de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a préféré la voie du calme stratégique. Deux styles. Deux approches. Mais un même objectif: faire entendre la voix de l’Afrique.
Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, président du Gabon, a offert au monde une image qui a marqué les esprits. Face à Donald Trump, regard fixe et voix assurée, il n’a pas tremblé. Il a exposé fièrement les richesses minières de son pays, soulignant que le Gabon n’était pas à vendre, mais ouvert à un partenariat équitable. « Un marché gagnant-gagnant ou rien. Si les États-Unis ne s’engagent pas, d’autres le feront.» Voilà le ton.
Ce type de discours tranche avec des décennies de soumission diplomatique. Il résonne comme un écho d’un continent en quête de souveraineté. Le général gabonais a incarné la fermeté, la clarté et la volonté d’une Afrique qui veut désormais choisir ses partenaires au lieu de subir ses bailleurs.
À la même table, une autre voix s’est faite entendre : celle du président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Moins théâtrale, plus discrète, mais tout aussi déterminée. En homme de paix, il a parlé en stratège, pesant ses mots, fidèle à sa posture de sage.
Certains médias ont rapporté qu’il aurait été embrassé par Trump dont certains propos condescendants auraient provoqué la colère au Liberia. Mais les réalités protocolaires sont souvent plus complexes. Les échanges diplomatiques aux États-Unis obéissent à une logique marchande stricte : time is money, money is time. Le temps, c’est de l’argent. Et l’argent, c’est du temps.
Mais ce que Trump ignorait, c’est que face à lui se trouvait un homme qui connaît lui aussi les règles du commerce et du pouvoir. Ghazouani n’est pas seulement un président, c’est aussi un négociateur aguerri. Derrière son ton mesuré se cache une vision claire : faire avancer la Mauritanie sans provoquer, sans s’aliéner, mais sans reculer non plus.
Démocraties copiées-collées
Au-delà des deux hommes, c’est l’Afrique qui commence à changer de ton. Sur les réseaux sociaux, les signaux d’un réveil se multiplient. Les jeunesses africaines dénoncent de plus en plus les « démocraties copiées-collées », imposées de l’extérieur mais inadaptées aux réalités du terrain. Elles n’ont pas su garantir les libertés promises. Elles ont juste ouvert un peu les portes d’un rêve lointain… tout en verrouillant la réalité quotidienne.
Partout sur le continent, la misère pousse les jeunes à fuir, jusqu’à risquer leur vie dans les eaux de la Méditerranée. Ceux qui ne sont pas en guerre sont soumis à des politiques d’austérité dictées par le FMI ou la Banque mondiale. L’Afrique est piégée dans un système où elle vend à bas prix ses ressources, et emprunte cher pour se développer. Le remboursement des dettes s’effectue en matières premières, et les marges de manœuvre sont nulles. Alors pourquoi ne pas ouvrir sa propre boutique. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’Africains, de dirigeants, de penseurs, rêve d’un autre modèle. Elle veut mettre fin à l’ère de la soumission et ouvrir sa propre « boutique ». L’image est forte : vendre ses ressources selon ses propres conditions, diversifier ses partenaires, protéger ses intérêts, et surtout, réinvestir les bénéfices dans les besoins réels des populations.
Mohamed Ould Ghazouani incarne cette vision pragmatique : renforcer les institutions, stabiliser le pays, développer sans renier l’identité culturelle ni céder à la précipitation. Sa gouvernance a permis de remettre les militaires dans leurs casernes, de faire évoluer une démocratie adaptée à son peuple, même si l’opposition semble aujourd’hui affaiblie.
Et si la Mauritanie a quelque chose à vendre – minerais, énergie, territoires stratégiques – alors elle doit le faire dans une logique de justice et de bénéfice citoyen. Pas pour enrichir des multinationales, mais pour nourrir une population encore marquée par la précarité.
Le militaire gabonais et le président mauritanien représentent deux visages d’une même Afrique. L’un ose le ton ferme face aux anciennes puissances, l’autre avance prudemment, mais solidement, vers une autonomie maîtrisée.
Deux chemins différents, mais une même destination : celle d’une Afrique libre, digne, souveraine. Une Afrique qui n’a plus peur de regarder ses interlocuteurs « les yeux dans les yeux ».
Scheine