L’inauguration de Pont de l’amitié : Une rencontre entre politiques dépourvus de vision ?

29 May, 2025 - 09:22

Toute une administration mobilisée pour inaugurer un pont offert : c’est grave, mais peu semblent s’en offusquer. Et pourtant, il y a de quoi tirer la sonnette d’alarme.

Ce qui devrait relever d’un acte ordinaire de gestion publique devient un spectacle de pouvoir. Derrière cet événement en apparence banal se cache une réalité bien plus préoccupante : la dénaturation progressive de l’État par l’hyperprésidentialisme.

Ce constat dépasse largement le cas de la Mauritanie. C’est une réalité bien ancrée dans de nombreuses administrations africaines. On y observe une concentration excessive du pouvoir autour de la figure présidentielle, au détriment des institutions intermédiaires et des mécanismes démocratiques normaux.

Cette effervescence autour d’un pont financé et construit par la Chine s’explique par une seule chose : la présence du chef de l’État.

Devant lui, les discours se peaufinent, les postures s’alignent, les louanges s’élèvent. Pourtant, plusieurs dérives sont manifestes :

 • L’hyperprésidentialisme : le président devient l’incarnation de tout, jusqu’au moindre projet d’infrastructure. Il est perçu comme l’artisan unique, bien que les citoyens ne soient pas dupes.

 • Le culte du symbole : on préfère l’image, la mise en scène et le spectaculaire à l’action concrète et à la rigueur dans la gestion publique.

 • La déresponsabilisation des administrations locales : devenues incapables d’agir sans validation présidentielle, elles se retrouvent vidées de leur rôle naturel.

 • La dépendance extérieure normalisée : célébrer un ouvrage entièrement financé par l’étranger comme une victoire nationale traduit une résignation face à notre faiblesse structurelle.

Dans un système institutionnellement sain, le maire de la commune concernée aurait pu inaugurer ce pont, en tant que représentant légitime des populations locales. Cela aurait donné du sens à la décentralisation, renforcé la confiance des citoyens dans leurs élus de proximité, et favorisé l’appropriation locale des projets.

Mais nous sommes encore loin de cette maturité politique. Ce que nous voyons, c’est un État théâtral, où l’efficacité est secondaire, et où le pouvoir local n’est qu’un figurant.

Il devient urgent de repenser les fondements de notre gouvernance.

Les générations à venir auront un vaste chantier. Ou, pour reprendre un mot qui résonne bien chez nous : du boulot. Il faudra déconstruire le culte du sommet, redonner du sens à l’action publique, et bâtir des institutions solides, crédibles et responsables.

Souleymane Sidibé