
Certains hommes vivent comme on écrit un vers parfait : discrètement, mais avec une justesse qui traverse le temps. Demba Meiddah faisait partie de ces hommes rares. Il n’était pas seulement poète, il était poésie – une poésie vivante, fière, enracinée, fluide comme une mélodie nomade portée par le vent du désert.
Il appartenait à cette lignée mauritanienne où l’art est respiration, où les mots sont un héritage sacré. Et pourtant, malgré la noblesse de ses origines, il ne portait jamais son talent comme un ornement. Il le portait comme on porte une lampe dans la nuit : pour éclairer les autres.
Je n’oublierai jamais ce jour où mon grand frère, après avoir obtenu son diplôme, a reçu de lui un poème de félicitations. C’était si simple et si immense à la fois. Dans ce geste, il y avait toute sa délicatesse, sa tendresse silencieuse, son instinct de célébrer la lumière là où elle naît. Et lorsque mon père, mû par une conviction profonde, a décidé de se présenter aux élections, Demba lui a offert les paroles d’une chanson. Comme s’il savait que les causes justes ont besoin d’un chant pour ne pas se perdre dans le tumulte.
Entre lui et mon père, il y avait plus que des souvenirs – il y avait une connivence de l’âme. Une amitié tissée de respect, de silences éloquents, d’années partagées entre rires, confidences, et cette élégance invisible que seuls les hommes vrais savent entretenir.
Mais ce que je garde en moi, comme une leçon de dignité, c’est son courage silencieux face à la maladie. Elle fut longue, lourde, implacable. Et pourtant, jamais — jamais — ni lui ni les siens ne se sont plaints. Ils n’ont jamais laissé entrevoir le besoin, ni montré la moindre faiblesse. Car Demba appartenait à ces hommes qui ne déposent leur fardeau que devant Dieu. Et cela aussi, c’était une forme de grandeur.
Je ne suis pas poète. Mais j’aurais voulu l’être. J’aurais voulu lui écrire un poème d’adieu – une élégie – pour lui rendre, par les mots, un peu de ce qu’il a semé dans nos vies.
Aujourd’hui, je ne peux que prier pour lui. Que Dieu lui ouvre les portes de Sa miséricorde infinie. Qu’Il l’enveloppe de Sa paix, le bénisse et lui accorde Son pardon.
Ismail Abdellah Ismail Cheikh Sidiya